Page:Merezhkovsky - Tolstoï et Dostoïevski, la personne et l’œuvre.djvu/15

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La raillerie a tort, comme toujours. En s’exposant à elle, le critique qui ceint ce tablier de concierge fait une aussi noble besogne que le sculpteur qui ceint celui du maçon, le peintre celui du teinturier ou l’anatomiste celui du boucher. Il est beau de voir des esprits graves ne dédaigner aucun labeur, si simple, si vulgaire, si ridicule même qu’il soit en apparence, pour servir une œuvre, personnelle ou collective, d’où l’humanité peut attendre plus de lumière. En apprenant avoir comment les forces qui la dirigent et qui s’appellent « esprit de race », « esprit du siècle », « hérédité », « conditions naturelles », comment ces forces, dis-je, opèrent par l’organe de quelques êtres plus aptes que d’autres à les manifester, l’humanité prend, en quelque sorte, conscience du travail qu’elle poursuit. Elle prend conscience de ses énergies les plus généreuses et les plus productives. Il est, de plus, consolant pour elle de constater que forces et faiblesses, vertus et vices, « sucre et vitriol », collaborent pour produire dans ces êtres, qu’on a appelés représentatifs, l’impulsion irrésistible qui les contraint à remplir leur rôle d’agents de l’évolution. L’humanité acquiert ainsi une conception plus vraie et plus juste des conditions où se meut le génie. Elle devient moins prompte à la censure, elle ne se contente pas de la remplacer par l’analyse, elle passe de celle-ci à un point de vue synthétique qui lui