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meuré pendant quelque temps à Fribourg, en Suisse, et à Genève, et vu s’anéantir l’espérance d’obtenir une pension du duc de Savoie, il s’etablit à Lyon, en 1524, et y commença l’exercice de la médecine, dix-huit ans après avoir reçu le titre de docteur. Sa hardiesse et sa suffisance suppléèrent au défaut de connaissances pratiques. Les siennes se bornaient à un répertoire de formules qu’il employait empiriquement. Il n’en obtint pas moins une réputation assez brillante pour que Louise de Savoie, mère de François Ier, le nommait son médecin ; mais cette princesse voulait qu’il fut aussi son astrologue. Agrippa répondit qu’il ne devait pas être employé à satisfaire une vaine curiosité. Cette réponse eût pu n’être que l’expression de son mépris pour un art toujours futile et quelquefois dangereux ; mais que dut-on penser d’Agrippa ; lorsque l’on sut que, dans le même temps, il pronostiquait au connétable de Bourbon, armé contre la France, les plus brillants succès ? Chassé de France, il se livra d’abord à tout l’emportement de son caractère, mais enfin il fut oblige de songer a un nouvel établissement. Tel était le renom qu’il s’était acquis parmi ses contemporains ignorants et superstitieux, que le roi d’Angleterre, deux seigneurs d’Allemagne et d’Italie, et Marguerite, gouvernante des Pays-Bas, l’appelèrent en même temps près d’eux. Il préféra s’attacher au service de la princesse, sœur de Charles V, qui le fit nommer historiographe de cet empereur. Elle ne tarda pas à être fortement prévenue contre lui ; mais elle mourut peu de temps après, et Agrippa composa son oraison funèbre. Il avait publié, quelque temps auparavant, son ouvrage de la Vanité des sciences, qui fut vivement censuré par ses ennemis ; mais ils s’élevèrent avec encore plus de force contre la Philosophie occulte, qu’il publia peu après à Anvers, et qui le fit accuser de magie. Des protecteurs puissants ne purent empêcher qu’il ne fut jeté dans les prisons de Bruxelles. Après un an de détention, il se rendit à Cologne, dont l’archevêque avait reçu la dédicace de sa Philosophie occulte, et ne craignit point de retourner en France avec le dessein de s’établir à Lyon ; mais à peine était-il dans cette ville, qu’il y fut arrêté pour avoir écrit contre la reine mère. Sorti de prison, il alla finir à Grenoble sa carrière orageuse, dans un hôpital, en 1533, à l’âge de 47 ans, ou, suivant d’autres, à Lyon, en 1534. Il avait parlé avec de grands égards de Luther et de Mélanchthon ; mais il ne professa jamais publiquement la religion réformée, et fut catholique autant que pouvait l’être un homme qui distribuait des formules pour composer des parfums et des talismans magiques, etc. On a peint assez bien cet homme singulier, lorsqu’on a dit de lui : Nulli hic parcit ; contemnit, scit, nescit, flet, ridet, irascitur, incitatur, carpit omniq. Ipse philosophus, dæmon, heros, deus, et omnia. Son portrait se trouve dans les Icones de Reusner, dans la Bibl. chalcogr. de Boissard, et au frontispice de plusieurs de ses écrits. Les deux principaux ouvrages d’Agrippa, cités ci-dessus, ont été imprimés sous les titres suivants : 1° de Incertitudine et Vanitate scientiarum, declamatio invectiva, sans date, in-8o, Coloniæ, 1527, in-12 ; Paris, 1554, in-8o ; apud Agrippanatem, 1531, in-8o ; 1532, in-8o ; 1537, in-8o ; 1539, in-8o. Ces sept éditions sont entières et non mutilées ; les suivantes ont éprouvé des retranchements ; les ouvrages supprimés ont été recueillis par David Clément. Ce traité a été traduit en français par Louis Mayenne Turquet, 1582, in-8o ; et par Gueudeville, Leyde, 1726, in-12, 5 vol., avec l’ouvrage du même auteur sur les femmes. La traduction du premier est complète, celle de Gueudeville mutilés. Ce livre a été traduit aussi en italien, en anglais, en allemand, en hollandais. Agrippa veut prouver « qu’il n’y a rien de plus pernicieux et de plus dangereux pour la vie des hommes et le salut de leurs âmes, que les sciences et les arts. » Les traités particuliers de médecine attribués à Agrippa, savoir : Contra pestem Antidota securissima, de Medicina in genere, de Medicina opératice, de Pharmacopolia, de Chirurgia, de Analomistica, de Velerinoria, de Diœtaria, etc., ne sont que des chapitres de ce grand ouvrage, tant loué par les uns, tant blâmé par les autres, mais dans lequel Agrippa, établissant une proposition, sans doute fausse, comme vérité première, a toutefois, dans les faits accessoires, signalé de nombreux abus et de monstrueuses erreurs. 2° De Occulta Phillosophia, libri tres, Anvers et Paris, 1554 ; Mechlinœ, Basilcœ, Lugduni, et absque loco, 1533, in-fol. ; Lyon, in-8o, traduit en français par le l’auteur ; la Haye, 1727, 2 vol. in-8. 3° De Nobilitate et Prœccelentia fœminei, sexus, declamatio, Anvers, 1529, in-8o. Il fit cette déclamation pour plaire à Marguerite d’Autriche. Elle a été traduite en français par Louis Vivant, Angevin, 1578, in-16 ; par Arnaudin, 1713 ; par Gueudeville, avec le traité de l’Incertitude des sciences ; par M. Peyrard, sous le nom de Rœtig, Paris, 1803, in-12. 4° Commentaria in artem brevem Raymondi Lulli, Cologne, 1533 ; Salingenci, 1538, in-8o. 5" Orationes decem ; de duplici coronatione Coroli V, apud Bononiam ; ejusd. Epigramm., etc., Coloniœ, 1535, in-8•. Les Œuvres d’Agrippa ont été recueillies plusieurs fois, notamment en 1534, Anvers, in-8o. La seule bonne édition est Lugduni, ap. Beringos, s. d., in-8o, 3 vol. en lettres italiques, dont la contrefaçon est litteris quadratis. Cette collection contient un 4e livre de la Philosophie occulte, de Cæremoniis magicis, qui n’est point d’Agrippa. On a prétendu que ce dernier s’était beaucoup aidé des compositions manuscrites de Piscatris. (Voy. ce mot.) Jean Belot a composé contre Agrippa les Fleurs de la philosophie morale et chrétienne, Paris, 1603, in-12. On trouve, dans le 2° tome des Aménités littéraires de Schelhorn, des Analecta sur la vie, les mœurs et les ouvrages d’Agrippa, p. 553 et suiv. G-t.


AGRIPPA (Camille), célèbre architecte de Milan, vivait au 16e siècle ; il avait fait une étude particulière des mathématiques, de la physique et même de la philosophie. Sous le pontificat de Grégoire XIII, on voulut, à Rome, transporter un obélisque sur la place de St-Pierre ; Agrippa fut un de ceux qui s’opposèrent le plus de cette opération, alors très-diffi-