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disque du soleil. À peine Banks eut-il connaissance des préparatifs de l’Endeavour, qu’il sollicita la permission de s’embarquer à bord du navire qui allait faire le tour du monde, et qu’il consacre une portion considérable de sa fortune aux apprêts indispensables à la réussite de ses projets. Il fit placer sur le vaisseau des instruments, des outils aratoires, des graines, beaucoup d’animaux utiles, puis tous les appareils nécessaires aux observations et aux expériences physiques, ainsi qu’à la conservation des objets qu’on récolterait chemin faisant. De plus, sentant combien il y aurait d’avantage à ce que les observations fussent faites sur une grande échelle, et par conséquent par un grand nombre de collaborateurs, il détermine par des offres pécuniaires assez élevées diverses personnes à le suivre. Ce furent d’abord un secrétaire, quatre gens de service, deux dessinateurs, puis enfin le docteur Solander, Suédois, élève de Linné, et nouvellement fixe à Londres par un emploi au musée Britannique. Banks l’avait connu depuis son retour de Terre-Neuve ; et bientôt la communauté des goûts, des études, avait fait naître entre eux une intimité qui dura autant que leur vie. — L’Endeavour mit à la voile, de Plymouth, le 26 août 1768 ; et, avant même que l’on eut atteint la hauteur du cap Finistère, nos naturalistes avaient déjà retiré des profondeurs de la mer des poissons, des mollusques et des crustacés encore inconnus aux savants, et un oiseau des rives de France était venu mourir blessé dans les mains de Banks qui lui donnait le nom de Motacolla velificens. À Madère, grâce à l’intervention active du consul anglais Cheap, qui eut de la peine a triompher des absurdes répugnances du gouverneur portugais, il obtint, pour le docteur Solander et pour lui, la permission d’explorer les curiosités naturelles de l’île, et d’employer des indigènes à pêcher des poissons, à faire la chasse aux oiseaux et aux insectes, puisque le temps les empêchait de procéder par eux-mêmes à toutes ces opérations. De Madère le navire continua sa route au sud ; et Banks, soit en passant près de Ténériffe, soit en cinglant vers les îles du cap Vert, soit enfin en se dirigeant de celles-ci vers les côtes du Brésil, saisit toutes les occasions d’ajouter de nouvelles richesses à celles dont s’enorgueillissait alors l’histoire naturelle. Chaque île, chaque flot pour ainsi dire lui payait son tribut : ni ailes ni nageoires ne pouvaient soustraire l’agile habitant des eaux ou des airs à sa curiosité. Il arriva ainsi en vue de Bio-Janeiro. Mais la dominait un vice-roi encore plus ignare que le gouverneur de Madère. Ce profond politique pensa que le désir d’herboriser, de chasser et de pêcher dans sa province couvrait quelque arrière-pensée ; et en conséquence défense expresse fut faite à nos naturalistes de mettre pied à terre. En vain alléguèrent· ils l’intention d’aller rendre leurs hommages à Son Excellence le vice-roi. Quel supplice ! Rebrousser chemin en présence de toute une création nouvelle, de tout un monde, où rien, ni fleurs, ni plantes, ni reptiles, ni oiseaux. ne ressemblait à leur monde ! ou du sol, du ciel de l’Europe rien ne restait que le soleil : Nos savants n’y tinrent pas. Après avoir envoyé les gens de service rassembler sur la côte et dans le pays tout ce qu’ils rencontreraient de plantes, d’insectes, d’oiseaux, de mammifères, Solander se glissa dans la ville avec le titre de chirurgien de l’Endeavour ; et Banks, trompant aussi la surveillance des gardes-côtes, s’introduisit la nuit sur la plage brésilienne et butina en personne, mais sans oser s’avancer dans Rio-Janeiro. Bientôt pourtant la soupçonneuse police du vice-roi eut vent de ce qui se passait : dès le lendemain, des officiers portugais vinrent faire à bord une stricte recherche des personnes qui étaient descendus à la côte sans permis ; et Banks ainsi que son ami se virent forcés de rester dans le navire, si mieux ils n’aimaient aller en prison à Rio-Janeiro. On leva l’ancre le 7 décembre ; et a peine le garde côte eut-il affranchi le vaisseau anglais de sa présence, que Banks passa sur une embarcation sans les îles de la baie de Rio. Là du moins il s’indemnisa de la contrainte qu’il avait soufferte, en moissonnant à pleines mains plantes et insectes. Avançant toujours au sud, il put admirer de plus en plus la richesse majestueuse de la nature, et entre autres végétaux marins, il recueillit le célèbre focus giganteus, qui offre souvent un développement de plus de cent pieds de longueur. Un nombre immense d’insectes vint ensuite s’offrir à lui le long des côtes de la Patagonie. Mais nous ne finirions pas, si nous essayons de suivre ainsi de contrée en contrée l’historique des acquisitions de Banks. Ce qui le caractérise non moins que ce zèle infatigable qui sans cesse grossit ses collections, ce qui donne au voyage de l’Endeavour la physionomie toute romanesque, toute épique du voyage des Argonautes ou de l’Odyssée, c’est cette influence qu’il exerce, lui non marin, sur les marins, lui Anglais, sur les sauvages qu’il visite. Les périls que court l’équipage dans les neiges de cette Terre de Feu, dont le nom présente une si bizarre antinomie avec le froid glacial dont elle est le domaine, et qui menace d’endormir nos navigateurs d’un sommeil de mort ; plus loin leur perte imminente dans les rochers de la Nouvelle-Hollande, lorsqu’ils voient les pièces de leur bordage se détacher, une voie d’eau s’ouvrir plus puissante que leurs pompes, et qu’à l’instant de périr Ils sont sauvés par l’idée que suggère un des hommes de la suite de Banks de faire entrer du dehors quelques flocons de laine dans les fentes du navire ; les combats avec les anthropophages de la Nouvelle-Zélande ; l’incendie général des herbes dans lequel les habitants de la Nouvelle-Galles du sud furent au moment de les envelopper ; les amours des marins et des Circé basanées qui ont valu à Otaïti le nom de Nouvelle-Cythère : tous ces épisodes, dit l’auteur de l’éloge cité plus haut, communiquent à la relation de Cook l’intérêt de ces « amusantes féeries de l’Odyssée, qui ont fait le charme de tant de nations et de tant de siècles. Or, c’est incontestablement à la présence de deux hommes nourris d’autres idées que de simples marins, c’est à leur manière d’observer et de sentir qu’est du en grande partie ce puissent intérêt. Banks surtout se montre