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abbé de Bastard y fut condamné à mort ; il prit beaucoup de part à cette condamnation, et fut même présent au supplice. (Voy. BASTARD.) Bayle était encore à Toulon quand cette place tomba au pouvoir des Anglais, et il fut aussitôt arrêté, ce qui donna lieu à de violentes invectives au sein de la convention nationale. Dans le premier moment d’exaspération, cette assemblée décréta que tous les Anglais qui se trouvaient en France répondaient du traitement qui serait fait à Pierre Bayle. On a dit qu’il refusa de crier vive Louis XVII, en disant qu’il n’avait pas voté la mort du tyran pour voir régner son fils, et que ce refus causa sa mort ; mais on ne peut plus douter aujourd’hui que, renfermé dans une étroite prison, il y fut massacré par la populace, qui l’égorgea sous les yeux de son père en lui reprochant ses cruautés, et particulièrement la mort de l’abbé de Bastard. Cependant Robespierre le jeune fit à cette occasion un long discours à la tribune de la convention, et il annonça positivement que Bayle, ayant entendu délibérer sur le genre de supplice qu’on lui ferait subir, s’était suicidé, pour ne pas mourir de la main des ennemis de la république. En conséquence, on accorda une pension à sa veuve, et il fut déclaré victime de la liberté. Granet proposa aussi de lui accorder les honneurs du Panthéon, mais cette motion n’eut pas de suite. ― Son père fut nommé directeur de la poste aux lettres de Marseille, par un arrêté du représentant du peuple Fréron, et il a conservé cette place jusqu’en 1812, époque de sa mort.

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BAYLE (Moïse), né dans le Languedoc, vers 1760, était officier municipal à Marseille, lorsqu’il fut nommé député à la convention nationale par le département des Bouches-du-Rhône, dans le mois de septembre 1792. Dévoué dès le commencement au parti le plus exalté de cette assemblée, il s’y montra l’apologiste des assassins de septembre, et vota la mort de Louis XVI et son exécution dans les vingt-quatre heures. Envoyé peu de temps après à Marseille avec Boisset, il en fut expulsé violemment, ainsi que son collègue, par le parti de la Gironde, qui s’y était emparé du pouvoir. Cet événement donna lieu à une longue discussion dans la convention, le 12 mai 1793, et Barbaroux y déclara que l’on n’avait ainsi chassé les commissaires que parce qu’ils avaient prêché ouvertement le meurtre et le brigandage. Marat prit la défense de Bayle ; et comme la lutte des deux partis qui divisaient eu ce moment l’assemblée était au plus haut degré d’exaspération, on ne donna d’abord aucune suite à cette affaire ; mais la journée du 31 mai, qui suivit de près, fit triompher complètement Moïse Bayle. Il fut alors un des plus acharnés à poursuivre le parti de la Gironde, concourut de tout son pouvoir à la formation d’une armée révolutionnaire, devint membre du comité de sûreté générale, et président de la convention nationale. Dans la séance du 25 brumaire an 2, il demanda la mention honorable d’une adresse de la société des jacobins, tendant à proroger les lois de sang qui pesaient alors sur la France. Enfin jusqu’à la chute de Robespierre, Moïse Bayle se montra l’un des plus zélés

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soutiens de la terreur ; et, comme il ne cessa qu’après la révolution du 9 thermidor d’être membre du comité de sûreté générale, il eut part pendant plus d’un an à toutes les sanglantes mesures de ce terrible pouvoir. Longtemps après qu’on l’eut renversé, il en fut encore le défenseur dans plusieurs occasions. Il fit tous ses efforts pour qu’aucune exception ne diminuât la liste des émigrés ; et lorsqu’il fut question d’un décret d’accusation contre Collot-d’Herbois, Barère et les autres membres des anciens comités, il déclara qu’il ne séparerait pas sa cause de la leur, et qu’il voulait partager leur sort. Ce généreux dévouement n’eut aucun résultat ; mais après la révolte du 1er prairial (mai 1794), Bayle, qui y avait eu quelque part, fut décrété d’arrestation et sommé de se rendre en prison dans les vingt-quatre heures. Il n’obéit pas à ce décret et fut bientôt amnistié par la loi du 5 brumaire. Rentré dans l’obscurité, il obtint du ministre de la police Bourguignon un petit emploi dans ses bureaux ; mais, ayant continué d’être lié au parti des démagogues, il fut compris dans la proscription qui en frappa une grande partie, après la tentative du 3 nivose (décembre 1800). Forcé depuis cette époque de vivre éloigné de la capitale, il termina ses jours dans la misère, vers 1813. Il avait publié en 1795, après le 9 thermidor, des Lettres à Fréron, où l’on trouve des faits curieux et des traits assez remarquables, de sa part, contre les hommes de sang. Cependant le cousin Jacques (Beffroy de Reigny), dans son Dictionnaire néologique des hommes et des choses, t. 1er, p. 444-446, dit que Moïse Bayle rendit de très grands services à quelques pères de famille ; et il ajoute : « Plusieurs citoyens, chers à la société, lui doivent aujourd’hui leur existence. »

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BAYLE (Gaspard-Laurent), l’un des médecins les plus distingués qui aient paru en France depuis le renouvellement de l’école de médecine, naquit au Vernet, village des montagnes de la Provence, le 18 août 1774. Les principes de dévotion dans lesquels ses parents l’avaient élevé lui inspirèrent d’abord le désir de se consacrer à l’état ecclésiastique mais au moment où les ordres allaient lui être conférés, il craignit de ne point être assez parfait pour remplir les devoirs imposés aux prêtres, et se décida pour la profession d’avocat. Quoiqu’il n’eût encore que dix-neuf ans, ses concitoyens, dont il avait su se concilier l’estime, le nommèrent secrétaire de l’administration du district de Digne. Ce fut en cette qualité que, quand Barras et Fréron parurent dans le Midi, envoyés par la convention nationale, Bayle, chargé de les haranguer au nom de la ville de Digne, eut la noble hardiesse de leur dire qu’ils venaient sans doute pour rétablir l’ordre et la justice dans les campagnes, et que les félicitations devant être le prix des services rendus, on attendrait, pour leur en décerner, qu’ils eussent accompli ce dont on les supposait chargés. Le lendemain, ses parents alarmés le firent partir pour Montpellier, et c’est ainsi qu’il se trouva conduit par hasard à étudier la médecine. Ses cours terminés, il alla aux armées, revint à Paris en 1798, et s’y fit recevoir docteur en 1801.