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s’offrait à défendre le roi, "Nous devons, dit-il, donner à la défense du ci-devant roi toute la latitude que le droit naturel établit. Nous devons encourager tous ceux qui voudront exercer le plus intéressant ministère…". Elu président, il répondit en cette qualité, le 2 décembre, à une députation de la commune de Paris qui demandait qu’on accéléråt la mise en jugement de Louis XVI, qu’il qualifia de traître. Au milieu de ces manifestations d’exaltation révolutionnaire, impliqué dans les pièces trouvées dans l’armoire de fer, il quitta momentanément le fauteuil pour se défendre d’avoir montré, comme rapporteur du comité des domaines à l’assemblée constituante, des dispositions favorables à Louis XVI. Cet incident n’eut pas de suite, et Barére fut invité à reprendre la présidence. Le 4 décembre il donna l’accolade fraternelle aux députés belges et liégeois qui demandait l’indépendance de leur pays. "Notre diplôme d’alliance, dit-il, et de défense réciproque est écrit de la main de la nature. Nos principes et notre haine contre les tyrans, voilà nos ministres plénipotentiaires. Le 11 décembre, il fit subir à Louis XVI son premier interrogatoire ; et déploya beaucoup de hauteur dans cette occasion ; mais il est certain que dans ses relations particulières avec Malesherbes, il mit aussi beaucoup d’urbanité et de modération. Cet illustre défenseur de Louis XVI crut devoir consulter Barere avant d’adresser une lettre à la convention, et pria un de ses amis de demander une entrevue à celui-ci. Barére se rendit de suite chez Malesherbes et lui dit : "Non seulement je vous approuve, mais je vous admire. Un pareil dévouement est digne de votre grande ame… Je briguerais moi-même une si noble tâche, si je n’étais pas président de la convention. Je me ferai un devoir, un honneur de vous donner, pour la défense du roi, toutes les facilités qui pourront dépendre de moi… Ah ! pourquoi suis-je député !" À la séance du 26 décembre il fit décréter l’impression du mémoire des défenseurs de Louis XVI, en y rétablissant ces mots effacés par eux : Le peuple a voulu la liberté, il la lui adonnée. Il appuya la proposition d’ostracisme contre d’Orléans, Roland et Pache ; et se plaignit en ces termes de ce que la minorité cherchait à égarer l’opinion publique : "Ils disent de nous : s’ils ne font pas mourir le tyran, nous les accuserons d’être coalisés avec les tyrans. S’ils le font mourir, c’est une cruauté indigne du peuple français." Le 4 janvier, dans une opinion très-développée écrite sous l’inspiration de Robespierre, il demanda le rejet des propositions de Salles et de Buzot pour l’appel au peuple, soutint que la convention avait des pouvoirs illimités ; et établit l’utilité d’un système de condamnation absolue. Il s’attacha surtout à démontrer tout le danger auquel on exposerait la France en laissant la vie à Louis XVI, ou en le déportant. Son éloquence ne fut que trop persuasive, et l’on ne peut douter que ce discours n’ait été l’une des principales causes de l’issue du procès. Le 6 janvier, lors de la discussion si orageuse sur la permanence des sections, Barère, occupant le fauteuil à la place de Treilhard, censura Robespierre qui voulait parler malgré la majorité de l’assemblée. Le même jour, a propos du compte rendu des succès des Français à Naples : "Encore un Bourbon au nombre des vaincus ! s’écria Barére, les rois sont ici a l’ordre du jour." Sur les différents appels nominaux, il déclara Louis coupable ; vota contre l’appel au peuple en disant : "J’ai prouvé non, et je dis non ;" enfin ce fut sur sa proposition ainsi que sur celle de Robespierre et de Guadet que la convention rejeta la demande de l’appel au peuple, et passa à l’ordre du jour sur la proposition relative a la quotité des suffrages. Ce fut alors que se disant organe de ta loi, il ajouta ces paroles devenues fameuses : L’arbre de la liberté croit lorsqu’il est arrosé du sang de toute espèce de tyran. Le jugement rendu, il en demanda le maintien, et vota l’ajournement au lendemain de la discussion des observations de Tronchet, relativement au nombre de voix pour fixer le sort de Louis XVI. Le 19 janvier, répondant à Brissot qui demandait le sursis, il s’écria : "Entre les rois et les peuples, il n’y a que des combats à mort. La punition de Louis, qui sera la leçon des rois, sera encore la terrible leçon des factieux, des prétendants à la dictature, ou à tout autre pouvoir semblable à la royauté..... On nous a dit qu’en abattant la tête d’un roi, il en renaîtrait une autre. Prenez des mesures fermes pour empêcher cette résurrection de la tyrannie ; mais faites en sorte de ne vous écarter jamais du chemin de la justice. Sachez distinguer celui qui a été le défenseur de la révolution d’avec celui qui a conspiré contre elle. Si l’un est punissable, l’autre doit être éloigné. Croyez que le peuple français ne voudra pas « plus de Louis d’Orléans pour roi[1] que de Louis Capet. On ne peut semer la royauté sur les terres nouvelles de la république." Après avoir établi son opinion contre le sursis, il ajouta : "Il faut que la famille des Bourbons s’éloigne des terres de la liberté, jusqu’à ce que la liberté soit affermie." On voit, par tous ces détails, qu’à Barére avait été attribuée par les meneurs la tache de donner le tort dans cette grave circonstance. À la séance du 21 janvier, il demanda qu’on accordât les honneurs de Panthéon à Félix Lepelletier, dont la fille fut le lendemain, sur sa proposition, adoptée par la république. En même temps il fortifia le système de la terreur en faisant décréter les visites domiciliaires. La proclamation au peuple français qu’il rédigea le 25 janvier par l’ordre de la convention, tant sur la mort du tyran que sur l’assassinat de Michel Lepelletier est une des pièces officielles les plus remarquables de cette époque : on y voit la convention se réjouir de la sentence régi-

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  1. Cette attaque contre le duc d’Orléans avait sans doute encore été imposée à Barere, car il avait été en relation non interrompue avec la maison d’Orléans depuis l’assemblée constituante, et ces relations avaient été assez étroites pour qu’il acceptat la tutelle d’une jeune personne qui tenait de très-près à la maison d’orléans. C’était cette Paméla que les écrits de madame de Genlis ont rendue si célèbre, et qui fut depuis lady Fitzgerald.