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cide et braver la coalition des rois. Cependant il hésitait encore entre la montagne et la Gironde ; il se montra favorable au plan de constitution présenté par Condorcet, et renouvela plusieurs fois ses plaintes contre la conduite des membres de la commune de Paris, qui, le 25 février, n’avaient pris aucune mesure pour empêcher le peuple de piller les boutiques des épiciers. Le 2 mars, il fit adopter un projet d’adresse au peuple batave, et, peu de jours après, au nom du comité diplomatique, déclarer la guerre à l’Espagne. Le 10 mars, a propos des défiances et des alarmes qu’on s’efforçait de répandre dans la convention : "Est-ce à la royauté qu’on en veut venir ? s’écria-t-il. Il y a ici plus de sept cents députés qui auront chacun un pistolet et un poignard pour détruire l’ambitieux ou le tyran qui aura oublié le 21 janvier." Deux jours aprés, il prit la défense de Dumouriez et félicita Santerre d’avoir lait échouer les tentatives d’insurrection contre les Girondins, en empêchant de sonner le tocsin dans la nuit du 10 mars. Toutefois rien n’est moins certain que cette prétendue conspiration du dix mars, dont les députés de ce parti avaient l’esprit frappé[1]. Ce fut le 17 mars que commença la longue série des rapports faits par Barère au nom du comité de défense générale, qui fut quelques jours après (le 26) reconstitué sous le nom de comité de salut public. Dans ces rapports qu’on a qualifiés de carmagnolades, et qui ont fait surnommer leur auteur l’Anacréon de la guillotine, la plus brillante facilité d’élocution n’est mise en usage que pour donner au crime les couleurs de la justice et de la vertu. La peine de mort contre la proposition des lois agraires ; la prompte division des propriétés au moyen de ventes de biens nationaux ; la démolition des châteaux d’émigrés ; la tradition au tribunal révolutionnaire des auteurs de l’attentat commis à Orléans sur le député Léonard Bourdon ; enfin une adresse révolutionnaire au peuple français, tels furent les décrets qui résultèrent, dans cette même séance du 17 mars, d’un vaste rapport de Barére, embrassant, on doit le dire, dans une proportion grandiose la plupart des garanties que réclamait le nouvel ordre de choses. Il n’y manquait que la peine de mort contre les émigrés : proposée par Dohem et par Charlier, elle fut votée séance tenante. Cependant le comité de sûreté générale, composé de vingt-cinq membres délibérant en présence d’un grand nombre de députés, était moins un comité qu’un club bruyant. Barère, appuyant la proposition d’Isnard, fit décréter l’organisation d’un nouveau comité de neuf membres seulement qui délibérassent en secret, et fussent autorisés à prendre des mesures d’exécution. Le 16 août, il fit adopter un projet de manifeste de la convention nationale de France à tous les peuples et à tous les gouvernements, lequel avait été rédigé antérieurement par Condorcet. Le 26 avril, il rédigea une proclamation pour remonter l’esprit des armées, découragées par la défection de Dumouriez et amollies par de faux bruits de paix. Cependant la lutte était plus acharnée que jamais entre la montagne et la Gironde. Guadet ayant proposé des mesures extraordinaires pour rétablir la tranquillité publique, et particulièrement la cassation des autorités municipales de Paris, Barère, en accusant la commune d’altérer ou d’exagérer les lois, repoussa la proposition comme anarchique, et fit décréter la formation d’une commission de douze membres pour se concerter avec le comité de sûreté générale. Dans la séance du 25 mai, il énonça que le comité dont il était membre s’honorait de n’être d’aucun parti, et qu’il n’estimait pas plus l’influence de Marat que celle de Brissot ; mais le 31 mai il se prononça décidément pour les montagnards. Ce jour-là il présenta, au nom du comité, un projet de décret tendant a mettre la force armée de Paris à la disposition de l’assemblée, et à supprimer la commission des douze. Le lendemain, il fit décréter une proclamation adressée au peuple français sur les événements de la veille. À la séance du soir, sur la pétition des autorités de Paris qui demandaient la mise en accusation des Girondins, il dit que l’on devait promettre de rendre justice au peuple, et fit décréter que le comité de salut public présenterait, sous trois jours, un rapport à ce sujet et proposerait des mesures pour sauver la chose publique. Dès le lendemain, il fit passer un décret invitant les vingt-deux membres dénoncés à se suspendre volontairement de leurs fonctions pour un temps déterminé. Cependant au milieu de cette délibération, la garde nationale commandée par Henriot avait investi la convention. "Nous sommes a en danger, s’écria Barère ; car des tyrans nouveaux veillent sur nous : leur consigne nous entoure, et la représentation nationale est prête à être asservie par elle ; cette tyrannie est dans le comité révolutionnaire de la commune." Puis, il engagea la convention à prouver qu’elle était libre, en allant délibérer au milieu de la force armée. Sur cette motion, l’assemblée entière se leva, sortit de la salle, passa dans les rangs des soldats ; puis, après avoir ainsi parcouru les Tuileries et le Carrousel, revint sur ses bancs reprendre le cours de ses délibérations. Le 6 juin, à la suite du rapport sur les événements du 31 mai, Barère provoqua la suppression de tous les comités révolutionnaires, le changement du chef de la garde nationale parisienne, et l’envoi aux départements dont les députés avaient été arrêtés par suite du 31 mai, d’un nombre égal d’otages pris dans le sein de la convention. Cette proposition, vivement appuyée par Danton et par Couthon, qui s’offrit lui-même pour otage, indisposa la majorité des montagnards ; Robespierre la combattit dans la séance suivante. Barère, qui ne sut jamais résister en face à ce terrible homme, retira la proposition concernant les otages et présenta le lendemain un projet entièrement modilié. Il fit de nouveau partie du comité de salut public renouvelé le 10 juillet, et proposa en son nom la plupart des mesures révolutionnaires qui signalèrent ce règne de la terreur. On le vit successivement faire décréter d’ac-

  1. On peut consulter les Mémoires de Levasseur, qui se moque, des terreurs des Girondins.