Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 4.djvu/151

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146 BER arracbèrentses effrayantes découvertes. Peutetre aussi s’est-on plu à exagérer le nombre des voies etmoyens de destruction qui se présentèrent à nos savants, le toutafin d’exa1ter etleur géniectleur sensibilité. L’historique même de leurs expériences ne démontre-t-il pas que si l’on abandonna le projet d’utiliser militairement ces armes nouvelles, c’est qu’elles auraient été fatales a ceux qui les maniaient avant de l’être à Pennemi ? Et, au fond, la rapidité des agents destructeurs est-elle funeste à l’l1umanité ’ ? à coup sur la guerre est moins meurtrière depuis l’invention des armes à feu ; et dans Fhypotlnèse même de guerres plus promptes dans leurs meurtres, puisque Vextermination ne dépasse que rarement certaines limites à peu près fixes, la p1·omptitude avec laquelle on arrive à ces limites n’est-elle pas un bien ? Les interminables guerres du moyen âge ne doivent elles pas leur longue du1·ée à l’exiguïté des moyens homicides ? et puisque la grande affaire des nations est d’être heureuses pa1· le travail, tout ce qui économise le temps n’est-il pas un avantage ? Quoi qu’il en soit. si ces inventions exterminatrices ont besoin de quelque autre excuse, l’état de la France au commencement de 1792 eût pu à lui seul les justifier. Une coalition, indécise encore, grondait au loin contre l’anarchie naissante ; bientôt des légions, que suivraient des milliers de légions, allaient tenter le passage du Rhin, des Alpes, des Pyrénées ; on pressentait des périls, des campagnes gigantesques et, chose inouïe ! la France n’avait que peu de soldats, peu de munitions, peu de matériel de guerre. La convention, en s’installant, ne désespéra point de la victoire, et pleine de foi dans ce p1·incipe, que le dernier tronçon d’homme, que le dernier écu français était à la France, elle déclara aussi que tous les génies lui appartenaient. Elle lit un appel au patriotisme des savants. Elle s’adressa spécialement à Berthollet et à Monge. Le sol avait fourni des héros inattendus ; le sol fournit alors du soufre, de l’airain, du salpètre. La France, qui jusque-la demandait tout à l’étranger, s’aperçut que tout était chez elle. Les guerriers la défendaient sur la frontière et dans les camps ; de paisibles expérimentateurs la défendirent dans la capitale et au coin de leur feu. Un petit bataillon de chimistes, sous la direction des deux savants, se livraient aux essais nécessaires pour suffire sans relâche à la prodigieuse consommation des quatorze armées. À ce spectacle les cours mêmes retentirent d’un cri de surprise qui, avant d’être proféré publiquement, était déjà devenu un cri d’admiration. Tout en remplissant ainsi la tâche magnifique qui lui avait été confiée, Berthollet faisait marcher de front d’autres travaux. Ses Observations sur l’usage des prussiates d’alcali et de chaux en teinture parurent en 1792. Quoique lus en 1796, le Mémoire sur la propriété eudiométrique du phosphore ; ses Observations, si graves et si fécondes, sur l’hydr0· gène sulfuré, que nous avons reconnu pl ushaut pour un hydracide ; enfin celles sur un acide retiré des substances animales (ou acide zootique), se référent, au moins la plupart, aux années 1794 et 1795. Les académies, on le sait, avaient été dissoutes par

DEB · la convention : à leur réorganisation (1795), Nil ! le nom d’institut, Berthollct fut de droit compris dans la liste des nouveaux membres. De plus, il avait été, en 1794, nommé professeur de chimie aux écoles ( normales ; mais sa brève apparition dans cette chaire neservit qu’à prouver, ce qu’au reste on n’ignoin, pas, qu’autre chose est de découvrir des faits, autre chose est de les exposer. On écoutait l’habile chimiste t avec respect ; mais peu d’éleves sortaient ayant compris, ayant appris ce qu’ils étaient venus povr entendre. Berthollet le sentit, et bientôt abandonna des fonctions si peu en rapport avec ses talents. L’année suivante (1796), il fut envoyé en Italie par le directoire, pour présider la commission chargée du choix des objets d’art les plus précieux qui devaient être transportés à Paris. C’est alors qu’il s’établit entre Berthollet et le chef de l’armée d’étroites relations, dans lesquelles Bonaparte, frappé de tant de génie et de simplicité, manifesta le dessein de s’iuitie1· avec untel maître dans les secrets de la chimie, dessein qu’il réalisa, dit-on, quelques mois après, lorsqu’il fut de retour à Paris. Berthollet fut le seul à qui Bonaparte confia d’avance le secret de son expédition d’Égypte ; et il lui déclara qu’il Pemménerait avec Monge et tout un corps de savants, lui laissant du reste le soin de choisir tous ceux qui feraient partie de cet immortel pèlerinage scientifique. On sait quels hommes d’élite se pressèrent autour des deux illustres amis. Aucun pourtant ne savait où il allait. « Je serai avec vous, » tel était le seul mot qu’il lui fût permis de dire a ceux qu’il enrôlait (1). Sous l’influence de ce nouveau ciel, si favorable à la chimie, le génie de Berthollet ne put que s’enflammer d’une nouvelle ardeur. Il recueillit et publia (dans les Mémoires sur l’Égypte et dans la Décade égyptienne), après les avoi1· lues à l’institut du Caire, diverses Observations sur les propriétés tinctoriales du frêne ; sur la teinture du coton et du fin par le carthaine ; sur l’action eudiométrique des sulfures alcalins et du phosphore. La composition de l’air atmosphérique en Égypte lui parut, d’après ses expériences, parfaitement semblable a celle de l’air de Paris. Mais c’est en Égypte que notre savant devait trouver le dernier anneau d’une chaîne de phénomènes insolites dont il n’avait pu encore se rendre compte, parce qu’il lui fallait en quelque sorte surprendre la nature dans le mystère de ses opérations. En examinant de quelle manière pouvait se former le carbonate de soude dans les lacs de natrum, il reconnut que ce sel était le résultat d’une opération chimique tout fait contraire aux lois alors admises sur les affinités. C’estaprès avoir longtemps médité sur ces singuliers phénomènes qu’il parvint à s’en rendre compte et à expliquer d’autres anomalies semblables, observés ! précédemment. Eh quoi ! des masses muriate de soude, pesant sur un banc de pureC1’81¤ (carbonate de. chaux), s’y métamorphosent en œ¤’· bonate de soude ! Que deviennent la les lois de Bel ? (1) Arnault, lenteur de Idriss à Iîtttttrttœ, s prétendu. UN la Souvenirs d’un Sexagénaire, qu’il fut chargé de cette Ilüllflll W" les littérateurs.