Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/415

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concevant les objets par l’idée que leur imagination en personnifiait, et comme s’exprimant, faute d’un autre langage, par des gestes ou par des signes matériels qui avaient des rapports naturels avec les idées[1].

En tête de ce que nous avons à dire à ce sujet, nous plaçons la tradition égyptienne, selon laquelle trois langues se sont parlées, correspondant, pour l’ordre comme pour le nombre, aux trois âges écoulés depuis le commencement du monde, âge des dieux, des héros et des hommes. La première langue avait été la langue hiéroglyphique, ou sacrée, ou divine ; la seconde symbolique, c’est-à-dire employant pour caractères les signes ou emblèmes héroïques ; la troisième épistolaire, propre à faire communiquer entre elles les personnes éloignées, pour les besoins présents de la vie. — On trouve dans l’Iliade deux passages précieux qui nous prouvent que les Grecs partagèrent cette opinion des Égyptiens. Nestor, dit Homère, vécut trois âges d’hommes parlant diverses langues. Nestor a dû être un symbole de la chronologie, déterminée par les trois langues qui correspondaient aux trois âges des Égyptiens. Cette phrase proverbiale, vivre les années de Nestor, signifiait : vivre autant que le monde. Dans l’autre passage, Énée raconte à Achille que des hommes parlant diverses langues commencèrent à habiter Ilion depuis le temps où Troie fut rapprochée des rivages de la mer, et où Per-

  1. Par exemple, trois épis, ou l’action de couper trois fois des épis, pour signifier trois années. — Platon et Jamblique ont dit que cette langue, dont les expressions portaient avec elles leur sens naturel, s’était parlée autrefois. Ce fut sans doute cette langue atlantique qui, selon les savants, exprimait les idées par la nature même des choses, c’est-à-dire par leurs propriétés naturelles. (Vico.)