Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/23

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a été embellie par l’usage qu’en ont fait depuis quelques fameux poëtes modernes, cédant à la coutume ; mais ils l’ont employée à leur grande vexation, gêne et contrainte, pour exprimer plusieurs choses (et souvent de la plus mauvaise manière) autrement qu’ils ne les auraient exprimées. Ce n’est donc pas sans cause que plusieurs poëtes du premier rang, italiens et espagnols, ont rejeté la rime des ouvrages longs et courts. Ainsi a-t-elle été bannie depuis longtemps de nos meilleures tragédies anglaises, comme une chose d’elle-même triviale, sans vraie et agréable harmonie pour toute oreille juste. Cette harmonie naît du convenable nombre, de la convenable quantité des syllabes, et du sens passant avec variété d’un vers à un autre vers ; elle ne résulte pas du tintement de terminaisons semblables ; faute qu’évitaient les doctes anciens, tant dans la poésie que dans l’éloquence oratoire. L’omission de la rime doit être comptée si peu pour défaut (quoiqu’elle puisse paraître telle aux lecteurs vulgaires), qu’on la doit regarder plutôt comme le premier exemple offert en anglais de l’ancienne liberté rendue au poëme héroïque affranchi de l’incommode et moderne entrave de la rime.