Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/285

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D’autres guerriers campés mettent le siège devant une forte cité ; ils l’assaillent par la batterie, l’escalade et la mine : du haut des murs les assiégés se défendent avec le dard et la javeline, avec des pierres et un feu de soufre : de part et d’autre carnage et faits gigantesques.

Ailleurs les hérauts qui portent le sceptre convoquent le conseil aux portes d’une ville : aussitôt des hommes graves et à tête grise, confondus avec des guerriers, s’assemblent : des harangues sont entendues ; mais bientôt elles éclatent en opposition factieuse ; enfin se levant, un personnage de moyen âge, éminent par son sage maintien, parle beaucoup de droit et de tort, d’équité, de religion, de vérité, et de paix, et de jugement d’en haut. Vieux et jeunes le frondent ; ils l’eussent saisi avec des mains violentes, si un nuage descendant ne l’eût enlevé sans être vu du milieu de la foule. Ainsi procédaient la force, et l’oppression et la loi de l’épée dans toute la plaine, et nul ne trouvait un refuge.

Adam était tout en pleurs ; vers son guide il tourne gémissant, et plein de tristesse :

« Oh ! qui sont ceux-ci ? Des ministres de la mort, non des hommes, eux qui distribuent ainsi la mort inhumainement aux hommes, et qui multiplient dix mille fois le péché de celui qui tua son frère. Car de qui font-ils un tel massacre, sinon de leurs frères ? Hommes, ils égorgent des hommes ! Mais quel était ce juste qui, si le ciel ne l’eût sauvé, eût été perdu dans toute sa droiture ? »

Michel :

« Ceux-ci sont le fruit de ces mariages mal assortis que tu as vus, dans lesquels le bon est appareillé au mauvais qui d’eux-mêmes abhorrent de s’unir ; mêlés par imprudence, ils ont produit ces enfantements monstrueux de corps ou d’esprit. Tels seront ces géants, hommes de haute renommée ; car dans ces jours, la force seule sera admirée, et s’appellera valeur et héroïque vertu : vaincre dans les combats, subjuguer les nations, rapporter les dépouilles d’une infinité d’hommes mas-