Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/308

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involontairement. Tu es pour moi toutes choses sous le ciel, tu es tous les lieux pour moi, toi qui pour mon crime volontaire es banni d’ici. Cependant, j’emporte d’ici cette dernière consolation, qui me rassure : bien que par moi tout ait été perdu, malgré mon indignité, une faveur m’est accordée : par moi la Race promise réparera tout. »

Ainsi parle Ève, notre mère, et Adam l’entendit charmé, mais ne répondit point ; l’archange était trop près, et de l’autre colline à leur poste assigné, tous dans un ordre brillant les chérubins descendaient : ils glissaient météores sur la terre, ainsi qu’un brouillard du soir élevé d’un fleuve glisse sur un marais, et envahit rapidement le sol sur les talons du laboureur qui retourne à sa chaumière. De front, ils s’avançaient ; devant eux le glaive brandissant du Seigneur flamboyait furieux, comme une comète : la chaleur torride de ce glaive, et sa vapeur telle que l’air brûlé de la Libye, commençaient à dessécher le climat tempéré du paradis ; quand l’Ange hâtant nos languissants parents, les prit par la main, les conduisit droit à la porte orientale ; de là aussi vite jusqu’au bas du rocher, dans la plaine inférieure, et disparut.

Ils regardèrent derrière eux, et virent toute la partie orientale du paradis, naguère leur séjour, ondulée par le brandon flambant : la porte était obstruée de figures redoutables et d’armes ardentes.

Adam et Ève laissèrent tomber quelques naturelles larmes qu’ils essuyèrent vite. Le monde entier était devant eux, pour y choisir le lieu de leur repos, et la Providence était leur guide. Mais main en main, à pas incertains et lents, ils prirent à travers Éden leur chemin solitaire.







FIN DU PARADIS PERDU.



Paris. — Typ. Walder, rue Bonaparte, 44.