Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/73

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mortels, excepté ceux que Dieu et les saints anges gardent par une grâce particulière.

Mais enfin l’influence sacrée de la lumière commence à se faire sentir, et des murailles du ciel, un rayon pousse au loin dans le sein de l’obscure nuit une aube scintillante : ici de la nature commence l’extrémité la plus éloignée ; le Chaos se retire, comme de ses ouvrages avancés ; ennemi vaincu, il se retire avec moins de tumulte et moins d’hostile fracas. Satan, avec moins de fatigue, et bientôt avec aisance, guidé par une douteuse lumière, glisse sur les vagues apaisées, et comme un vaisseau battu des tempêtes, haubans et cordages brisés, il entre joyeusement au port. Dans l’espace plus vide ressemblant à l’air, l’archange balance ses ailes déployées, pour contempler de loin et à loisir le ciel empyrée : si grande en est l’étendue qu’il ne peut déterminer si elle est carrée ou ronde. Il découvre les tours d’opale, les créneaux ornés d’un vivant saphir, jadis sa demeure natale ; il aperçoit attaché au bout d’une chaîne d’or ce monde suspendu, égal à une étoile de la plus petite grandeur serrée près de la lune. Là Satan, tout chargé d’une pernicieuse vengeance, maudit et dans une heure maudite, se hâta.