Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/84

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veau, les anges saisissent leurs harpes d’or, toujours accordées, et qui, brillantes à leur côté, étaient suspendues comme des carquois. Par le doux prélude d’une charmante symphonie ils introduisent leur chant sacré et éveillent l’enthousiasme sublime. Aucune voix ne se tait ; pas une voix qui ne puisse facilement se joindre à la mélodie, tant l’accord est parfait dans le ciel !

« Toi, ô Père, ils te chantèrent le premier, tout-puissant, immuable, immortel, infini, Roi éternel ; toi, auteur de tous les êtres, fontaine de lumière ; toi, invisible dans les glorieuses splendeurs où tu es assis sur un trône inaccessible, et même lorsque tu ombres la pleine effusion de tes rayons, et qu’à travers un nuage arrondi autour de toi comme un radieux tabernacle, les bords de tes vêtements, obscurcis par leur excessif éclat, apparaissent : cependant encore le ciel est ébloui, et les plus brillants séraphins ne s’approchent qu’en voilant leurs yeux de leurs deux ailes.

« Ils te chantèrent ensuite, ô toi, le premier de toute la création, Fils engendré, divine ressemblance sur le clair visage de qui brille le Père tout-puissant, sans nuage rendu visible, et qu’aucune créature ne pourrait autrement regarder ailleurs. En toi imprimée la splendeur de sa gloire habite ; transfusé dans toi son vaste esprit réside. Par toi il créa le ciel des cieux et toutes les puissances qu’il renferme, et par toi il précipita les ambitieuses Dominations. Ce jour-là, tu n’épargnas point le terrible tonnerre de ton Père : tu n’arrêtas pas les roues de ton chariot flamboyant, qui ébranlaient la structure éternelle du ciel, tandis que tu passais sur le cou des anges rebelles dispersés : revenu de la poursuite, tes saints, par d’immenses acclamations, t’exaltèrent, toi, unique Fils de la puissance de ton Père, exécuteur de sa fière vengeance sur ses ennemis ! Non pas de même sur l’homme !… Tu ne condamnas pas avec tant de rigueur l’homme tombé par la malice des esprits rebelles, ô Père de grâce et de miséricorde ; mais tu inclines beaucoup plus à la pitié. Ton cher et unique Fils n’eut pas plutôt aperçu ta résolution de ne pas condamner avec tant de