Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/89

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des îles de bonheur, comme ces jardins des Hespérides renommés dans l’antiquité : champs fortunés, bocages, vallées fleuries, îles trois fois heureuses ! Mais qui habitait là heureux ? Satan ne s’arrêta pas pour s’en enquérir.

Au-dessus de toutes les étoiles, le Soleil d’or, égal au ciel en splendeur, attire ses regards : vers cet astre il dirige sa course dans le calme firmament ; mais si ce fut par le haut ou par le bas, par le centre ou par l’excentrique ou par la longitude, c’est ce qu’il serait difficile de dire. Il s’avance au lieu d’où le grand luminaire dispense de loin la clarté aux nombreuses et vulgaires constellations, qui se tiennent à une distance convenable de l’œil de leur seigneur. Dans leur marche elles forment leur danse étoilée en nombres qui mesurent les jours, les mois et les ans ; elles se pressent d’accomplir leurs mouvements variés vers son vivifiant flambeau, ou bien elles sont tournées par son rayon magnétique qui échauffe doucement l’univers, et qui dans toute partie intérieure avec une bénigne pénétration, quoique non aperçu darde une invisible vertu jusqu’au fond de l’abîme ; tant fut merveilleusement placée sa station brillante.

Là aborde l’ennemi : une pareille tache n’a peut-être jamais été aperçue de l’astronome, à l’aide de son verre optique, dans l’orbe luisant du Soleil. Satan trouva ce lieu éclatant au-delà de toute expression, comparé à quoi que ce soit sur la terre, métal ou pierre. Toutes les parties n’étaient pas semblables, mais toutes étaient également pénétrées d’une lumière rayonnante, comme le fer ardent l’est du feu : métal, partie semblait d’or, partie d’argent fin ; pierre, partie paraissait escarboucle ou chrysolithe, partie rubis ou topaze, tels qu’aux douze pierres qui brillaient sur le pectoral d’Aaron : ou c’est encore la pierre souvent imaginée plutôt que vue ; pierre que les philosophes d’ici-bas ont en vain si longtemps cherchée, quoique par leur art puissant, ils fixent le volatil Hermès, évoquent de la mer sous ses différentes figures le vieux Protée réduit à travers un alambic à sa forme primitive.

Quelle merveille y a-t-il donc si ces champs, si ces régions