Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/90

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exhalent un élixir pur, si les rivières roulent l’or potable, quand par la vertu d’un seul toucher le grand alchimiste, le soleil (tant éloigné de nous) produit, mêlées avec les humeurs terrestres, ici dans l’obscurité, tant de précieuses choses de couleurs si vives, et d’effets si rares ?

Ici le Démon, sans être ébloui, rencontre de nouveaux sujets d’admirer ; son œil commande au loin, car la vue ne rencontre ici ni obstacle ni ombre, mais tout est soleil : ainsi quand à midi ses rayons culminants tombent du haut de l’équateur, comme alors ils sont dardés perpendiculaires, sur aucun lieu alentour l’ombre d’un corps opaque ne peut descendre.

Un air qui n’est nulle part aussi limpide, rendait le regard de Satan plus perçant pour les objets éloignés : il découvre bientôt, à portée de la vue, un ange glorieux qui se tenait debout, le même ange que saint Jean vit aussi dans le soleil. Il avait le dos tourné, mais sa gloire n’était point cachée. Une tiare d’or des rayons du soleil couronnait sa tête ; non moins brillante, sa chevelure sur ses épaules, où s’attachent des ailes, flottait ondoyante : il semblait occupé de quelque grande fonction, ou plongé dans une méditation profonde. L’esprit impur fut joyeux, dans l’espoir de trouver à présent un guide qui pût diriger son vol errant au paradis terrestre ; séjour heureux de l’Homme, fin du voyage de Satan et où commencèrent nos maux.

Mais d’abord l’ennemi songe à changer sa propre forme qui pourrait autrement lui susciter péril ou retard ; soudain il devient un adolescent chérubin, non de ceux du premier ordre, mais cependant tel que sur son visage souriait une céleste jeunesse, et que sur tous ses membres était répandue une grâce convenable, tant il sait bien feindre ! Sous une petite couronne ses cheveux roulés en boucles se jouaient sur ses deux joues ; il portait des ailes dont les plumes, de diverses couleurs étaient semées de paillettes d’or ; son habit court était fait pour une marche rapide, et il tenait devant ses pas pleins de décence, une baguette d’argent.

Il ne s’approcha pas sans être entendu ; comme il avançait,