Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Avec un sourire plus gluant, elle poursuit :

— Ce n’est pas que les filles s’amusent moins. Ah ! bon Dieu, non… Au contraire… Vous ne sortez jamais le soir… mais si vous alliez vous promener, à neuf heures, sous les marronniers… vous verriez ça… Partout, sur les bancs, il y a des couples… qui s’embrassent, se caressent… C’est bien gentil… Ah ! moi, vous savez, l’amour je trouve ça si mignon… Je comprends qu’on ne puisse pas vivre sans l’amour… Oui, mais c’est embêtant aussi d’avoir à ses trousses des chiées d’enfants… Eh bien, elles n’en ont pas… elles n’en ont plus… Et c’est à Mme Gouin qu’elles doivent ça… Un petit moment désagréable à passer… ce n’est pas, après tout, la mer à boire. À votre place, je n’hésiterais pas… Une jolie fille comme vous, si distinguée, et qui doit être si bien faite… un enfant, ce serait un meurtre…

— Rassurez-vous… Je n’ai pas envie d’en avoir…

— Oui… oui… personne n’a envie d’en avoir. Seulement… Dites donc ?… Votre monsieur ne vous a jamais proposé la chose ?…

— Mais non…

— C’est étonnant… car il est connu pour ça… Même, la matinée où il vous serrait de si près, dans le jardin ?…

— Je vous assure…

Mamz’elle Rose hoche la tête.