Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/261

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un dîner select où seraient cérémonieusement priées, avec quelques correctes célébrités de la littérature et de l’art, quelques personnalités mondaines, pas trop difficiles, pas trop régulières non plus, mais suffisamment décoratives pour qu’un peu de leur éclat rejaillît sur eux…

— Car le difficile, disait Victor Charrigaud, ce n’est pas de dîner en ville, c’est de donner à dîner, chez soi…

Après avoir longuement réfléchi à ce projet, Victor Charrigaud proposa :

— Eh bien, voilà !… Je crois que nous ne pouvons avoir tout d’abord que des femmes divorcées… avec leurs amants. Il faut bien commencer par quelque chose. Il y en a de fort sortables et que les journaux les plus catholiques citent avec admiration… Plus tard, quand nos relations seront devenues plus choisies et plus étendues, eh bien, nous les sèmerons les divorcées…

— C’est juste… approuva Mme Charrigaud. Pour le moment, l’important est d’avoir ce qu’il y a de mieux dans le divorce. Enfin, on a beau dire, le divorce, c’est une situation.

— Il a au moins ce mérite qu’il supprime l’adultère, ricana Charrigaud… L’adultère, c’est si vieux jeu… Il n’y a plus que l’ami Bourget pour croire à l’adultère — l’adultère chrétien — et aux meubles anglais…

À quoi Mme Charrigaud répliqua sur un ton d’agacement nerveux :