Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/317

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maison où il y avait un valet de chambre, ce fût moi que Madame chargeât du service de M. Xavier.

— C’est rigolo… mais ce n’est peut-être pas très convenable… me dis-je, parodiant le mot que répétait constamment ma maîtresse, à propos de n’importe quoi.

Il est vrai que tout me paraissait bizarre dans cette bizarre maison.


Le soir, à l’office, j’appris bien des choses.

— Une boîte extraordinaire… me dit-on. Ça étonne d’abord, et puis on s’y fait. Des fois, il n’y a pas un sou, dans toute la maison. Alors Madame va, vient, court, repart et rentre, nerveuse, exténuée, des gros mots plein la bouche. Monsieur, lui, ne quitte pas le téléphone… Il crie, menace, supplie, fait le diable dans l’appareil… Et les huissiers !… Souvent, il est arrivé que le maître d’hôtel fût obligé de donner de sa poche des acomptes à des fournisseurs furieux, qui ne voulaient plus rien livrer. Un jour de réception, on leur coupa l’électricité et le gaz… Et puis, tout d’un coup, c’est la pluie d’or… La maison regorge de richesses. D’où viennent-elles ? Ça, par exemple, on ne le sait pas trop… Quant aux domestiques, ils attendent, des mois et des mois, leurs gages… Mais ils finissent toujours par être payés… seulement, au prix de quelles scènes, de quels engueulements, de quelles chamailleries !… C’est à ne pas croire…