Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/388

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des secrets de Joseph. Rien n’est mystérieux, dans cette chambre, rien ne s’y cache. C’est la chambre nue d’un homme qui n’a pas de secrets, dont la vie est pure, exempte de complications et d’événements… Les clés sont sur les meubles et sur les placards ; pas un tiroir n’est fermé. Sur la table, des paquets de graines et un livre : Le Bon Jardinier… sur la cheminée, un paroissien dont les pages sont jaunies, et un petit carnet où sont copiées différentes recettes pour préparer l’encaustique, la bouillie bordelaise, et des dosages de nicotine, de sulfate de fer… Pas une lettre nulle part ; pas même un livre de comptes. Nulle part, la moindre trace d’une correspondance d’affaires, de politique, de famille ou d’amour… Dans la commode, à côté de chaussures hors d’usage et de vieux becs d’arrosage, des tas de brochures, de nombreux numéros de La Libre Parole. Sous le lit, des pièges à loirs et à rats… J’ai tout palpé, tout retourné, tout vidé, habits, matelas, linge et tiroirs. Il n’y a rien d’autre !… Dans l’armoire, rien n’est changé… elle est telle que je la laissai lorsque, voici huit jours, je la rangeai, en présence de Joseph. Est-il possible que Joseph n’ait rien ?… Est-il possible qu’il lui manque, à ce point, ces mille petites choses intimes et familières, par où un homme révèle ses goûts, ses passions, ses pensées… un peu de ce qui domine sa vie ?… Ah ! si pourtant… Du fond du tiroir de la table je retire une boîte à