Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/396

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Mlle  Jeanne se levait, s’arrangeait un peu les cheveux, suivait la placeuse dans le bureau d’où elle revenait quelques minutes après, une grimace de dédain aux lèvres. On n’avait pas trouvé ses certificats suffisants… Qu’est-ce qu’il leur fallait ?… Le prix Monthyon alors ?… Un diplôme de rosière ?…

Ou bien on ne s’était pas entendu sur le prix des gages :

— Ah !… non… des chipies !… Un sale bastringue… rien à gratter… Elle fait son marché elle-même… Oh ! là ! là !… quatre enfants dans la maison… Plus souvent !

Tout cela ponctué par des gestes furieux ou obscènes.

Nous y passions toutes, à tour de rôle, dans le bureau, appelées par la voix de plus en plus glapissante de Mme  Paulhat-Durand, dont les chairs cireuses, à la fin, verdissaient de colère… Moi, je voyais tout de suite à qui j’avais à faire et que la place ne pourrait pas me convenir… Alors, pour m’amuser, au lieu de subir leurs stupides interrogatoires, c’est moi qui les interrogeais les belles dames… Je me payais leur tête…

— Madame est mariée ?

— Sans doute…

— Ah !… Et madame a des enfants ?

— Certainement…

— Des chiens ?

— Oui…