Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/249

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Alceste
Et l’hymen… Non, mon cœur à présent vous déteste,

1780Et ce refus lui seul fait plus que tout le reste.
Puisque vous n’êtes point, en des liens si doux,
Pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous,
Allez, je vous refuse ; et ce sensible outrage
De vos indignes fers pour jamais me dégage.



Scène dernière

Éliante, Alceste, Philinte.


Alceste, à Éliante
1785Madame, cent vertus ornent votre beauté,

Et je n’ai vu qu’en vous de la sincérité ;
De vous depuis longtemps je fais un cas extrême ;
Mais laissez-moi toujours vous estimer de même,
Et souffrez que mon cœur, dans ses troubles divers,
1790Ne se présente point à l’honneur de vos fers ;
Je m’en sens trop indigne, et commence à connaître
Que le ciel pour ce nœud ne m’avait point fait naître ;
Que ce serait pour vous un hommage trop bas,
Que le rebut d’un cœur qui ne vous valait pas ;
1795Et qu’enfin…

Éliante
Et qu’enfin… Vous pouvez suivre cette pensée :

Ma main de se donner n’est pas embarrassée ;
Et voilà votre ami, sans trop m’inquiéter,
Qui, si je l’en priais, la pourrait accepter.

Philinte
Ah ! cet honneur, madame, est toute mon envie,

1800Et j’y sacrifierais et mon sang et ma vie.

Alceste
Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentements,

L’un pour l’autre à jamais garder ces sentiments !
Trahi de toutes parts, accablé d’injustices,
Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices ;
1805Et chercher sur la terre un endroit écarté
Où d’être homme d’honneur on ait la liberté.

Philinte
Allons, madame, allons employer toute chose

Pour rompre le dessein que son cœur se propose.

Fin du Misanthrope.