Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/253

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Martine

C’est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire ! Devrais-tu être un seul moment sans rendre grâces au ciel de m’avoir pour ta femme ? et méritais-tu d’épouser une femme comme moi ?

Sganarelle

Il est vrai que tu me fis trop d’honneur, et que j’eus lieu de me louer la première nuit de mes noces ! Hé ! morbleu ! ne me fais point parler là-dessus : je dirais de certaines choses…

Martine

Quoi ? que dirais-tu ?

Sganarelle

Baste, laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.

Martine

Qu’appelles-tu bien heureuse de te trouver ? Un homme qui me réduit à l’hôpital, un débauché, un traître, qui me mange tout ce que j’ai !…

Sganarelle

Tu as menti : j’en bois une partie.

Martine

Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis !…

Sganarelle

C’est vivre de ménage.

Martine

Qui m’a ôté jusqu’au lit que j’avais !…

Sganarelle

Tu t’en lèveras plus matin.

Martine

Enfin qui ne laisse aucun meuble dans toute la maison…

Sganarelle

On en déménage plus aisément.

Martine

Et qui, du matin jusqu’au soir, ne fait que jouer et que boire !

Sganarelle

C’est pour ne me point ennuyer.