Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Léandre

Je ne suis point malade, monsieur ; et ce n’est pas pour cela que je viens à vous.

Sganarelle

Si vous n’êtes pas malade, que diable ne le dites-vous donc ?

Léandre

Non. Pour vous dire la chose en deux mots, je m’appelle Léandre, qui suis amoureux de Lucinde, que vous venez de visiter ; et comme, par la mauvaise humeur de son père, toute sorte d’accès m’est fermé auprès d’elle, je me hasarde à vous prier de vouloir servir mon amour, et de me donner lieu d’exécuter un stratagème que j’ai trouvé pour lui pouvoir dire deux mots d’où dépendent absolument mon bonheur et ma vie.

Sganarelle, paroissant en colère.

Pour qui me prenez-vous ? Comment ! oser vous adresser à moi pour vous servir dans votre amour, et vouloir ravaler la dignité de médecin à des emplois de cette nature !

Léandre

Monsieur, ne faites point de bruit.

Sganarelle, en le faisant reculer.

J’en veux faire, moi. Vous êtes un impertinent.

Léandre

Hé ! monsieur, doucement.

Sganarelle

Un malavisé.

Léandre

De grâce !

Sganarelle

Je vous apprendrai que je ne suis point homme à cela, et que c’est une insolence extrême…

Léandre, tirant une bourse

Monsieur…

Sganarelle

De vouloir m’employer… (tenant la bourse.) Je ne parle pas pour vous, car vous êtes honnête homme ; et je serois ravi de vous rendre service : mais il y a de certains impertinents au monde qui viennent prendre les gens pour ce qu’ils ne sont pas ; et je vous avoue que cela me met en colère.