Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/414

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Mariane
715Il est vrai, c’est bien dit.


Valère
Il est vrai, c’est bien dit. Sans doute ; et votre cœur

N’a jamais eu pour moi de véritable ardeur.

Mariane
Hélas ! permis à vous d’avoir cette pensée.


Valère
Oui, oui, permis à moi : mais mon âme offensée

Vous préviendra peut-être en un pareil dessein ;
720Et je sais où porter et mes vœux et ma main.

Mariane
Ah ! je n’en doute point ; et les ardeurs qu’excite

Le mérite…

Valère
Le mérite… Mon Dieu ! laissons là le mérite.

J’en ai fort peu, sans doute, et vous en faites foi.
Mais j’espère aux bontés qu’une autre aura pour moi :
725Et j’en sais de qui l’âme, à ma retraite ouverte,
Consentira sans honte à réparer ma perte.

Mariane
La perte n’est pas grande, et de ce changement

Vous vous consolerez assez facilement.

Valère
J’y ferai mon possible, et vous le pouvez croire.

730Un cœur qui nous oublie engage notre gloire ;
Il faut à l’oublier mettre aussi tous nos soins ;
Si l’on n’en vient à bout, on le doit feindre au moins.
Et cette lâcheté jamais ne se pardonne,
De montrer de l’amour pour qui nous abandonne.

Mariane
735Ce sentiment sans doute est noble et relevé.


Valère
Fort bien ; et d’un chacun il doit être approuvé.

Hé quoi ! vous voudriez qu’à jamais dans mon âme
Je gardasse pour vous les ardeurs de ma flamme,
Et vous visse, à mes yeux, passer en d’autres bras,
740Sans mettre ailleurs un cœur dont vous ne voulez pas ?

Mariane
Au contraire ; pour moi, c’est ce que je souhaite ;

Et je voudrais déjà que la chose fût faite.