Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/445

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1505Le scandale du monde est ce qui fait l’offense,
Et ce n’est pas pécher que pécher en silence[1].

Elmire, après avoir encore toussé et frappé sur la table.
Enfin je vois qu’il faut se résoudre à céder ;

Qu’il faut que je consente à vous tout accorder ;
Et qu’à moins de cela, je ne dois point prétendre
1510Qu’on puisse être content, et qu’on veuille se rendre.
Sans doute il est fâcheux d’en venir jusque-là,
Et c’est bien malgré moi que je franchis cela ;
Mais, puisque l’on s’obstine à m’y vouloir réduire,
Puisqu’on ne veut point croire à tout ce qu’on peut dire,
1515Et qu’on veut des témoins qui soient plus convaincants,
Il faut bien s’y résoudre, et contenter les gens.
Si ce consentement porte en soi quelque offense[2],
Tant pis pour qui me force à cette violence ;
La faute assurément n’en doit pas être à moi.

Tartuffe
1520Oui, madame, on s’en charge ; et la chose de soi…


Elmire
Ouvrez un peu la porte, et voyez, je vous prie,

Si mon mari n’est point dans cette galerie.

Tartuffe
Qu’est-il besoin pour lui du soin que vous prenez ?

C’est un homme, entre nous, à mener par le nez.
1525De tous nos entretiens il est pour faire gloire,
Et je l’ai mis au point de voir tout sans rien croire.

Elmire
Il n’importe. Sortez, je vous prie, un moment ;

Et partout là dehors voyez exactement.



Scène 6

Orgon, Elmire.


Orgon, sortant de dessous la table.
Voilà, je vous l’avoue, un abominable homme !

1530Je n’en puis revenir, et tout ceci m’assomme.

  1. Regnier avait dit dans sa treizième satire :
    Le péché que l’on cache est demi-pardonné,
    La faute seulement ne gît en la défense :
    Le scandale, l’opprobre, est cause de l’offense.
    (Petitot.)
  2. Var. Si ce contentement porte en soi quelque offense.