Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/451

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Et veut, à ma ruine, user des avantages
Dont le viennent d’armer mes bontés trop peu sages,
1655Me chasser de mes biens où je l’ai transféré,
Et me réduire au point d’où je l’ai retiré.

Dorine
Le pauvre homme !


Madame Pernelle
Le pauvre homme ! Mon fils, je ne puis du tout croire

Qu’il ait voulu commettre une action si noire.

Orgon
Comment ?


Madame Pernelle
Comment ? Les gens de bien sont enviés toujours.


Orgon
1660Que voulez-vous donc dire avec votre discours,

Ma mère ?

Madame Pernelle
Ma mère ? Que chez vous on vit d’étrange sorte,

Et qu’on ne sait que trop la haine qu’on lui porte.

Orgon
Qu’a cette haine à faire avec ce qu’on vous dit ?


Madame Pernelle
Je vous l’ai dit cent fois quand vous étiez petit :

1665La vertu dans le monde est toujours poursuivie ;
Les envieux mourront, mais non jamais l’envie[1].

Orgon
Mais que fait ce discours aux choses d’aujourd’hui ?


Madame Pernelle
On vous aura forgé cent sots contes de lui.


Orgon
Je vous ai dit déjà que j’ai vu tout moi-même.


Madame Pernelle
1670Des esprits médisants la malice est extrême.


Orgon
Vous me feriez damner, ma mère ! Je vous di

Que j’ai vu de mes yeux un crime si hardi.

Madame Pernelle
Les langues ont toujours du venin à répandre,
  1. Vers emprunté à un proverbe : L’envie ne mourra jamais, mais les envieux mourront ; cette phrase se trouve dans la comédie des Proverbes d’Adrien de Montluc, imprimée en 1616.