Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/470

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Et tandis qu’au milieu des béotiques plaines
Amphitryon, son époux,
Commande aux troupes thébaines,
Il en a pris la forme, et reçoit là-dessous
Un soulagement à ses peines,
Dans la possession des plaisirs les plus doux.
L’état des mariés à ses feux est propice :
L’hymen ne les a joints que depuis quelques jours ;
Et la jeune chaleur de leurs tendres amours
A fait que Jupiter à ce bel artifice
S’est avisé d’avoir recours.
Son stratagème ici se trouve salutaire :
Mais, près de maint objet chéri,
Pareil déguisement seroit pour ne rien faire,
Et ce n’est pas partout un bon moyen de plaire
Que la figure d’un mari.

La Nuit.

J’admire Jupiter, et je ne comprends pas
Tous les déguisements qui lui viennent en tête.

Mercure.

Il veut goûter par là toutes sortes d’états ;
Et c’est agir en dieu qui n’est pas bête.
Dans quelque rang qu’il soit des mortels regardé,
Je le tiendrois fort misérable,
S’il ne quittoit jamais sa mine redoutable,
Et qu’au faîte des cieux il fût toujours guindé.
Il n’est point, à mon gré, de plus sotte méthode
Que d’être emprisonné toujours dans sa grandeur ;
Et surtout, aux transports de l’amoureuse ardeur,
La haute qualité devient fort incommode.
Jupiter, qui sans doute en plaisirs se connoît,
Sait descendre du haut de sa gloire suprême ;
Et pour entrer dans tout ce qu’il lui plaît,
Il sort tout à fait de lui-même,
Et ce n’est plus alors Jupiter qui paroît.

La Nuit.

Passe encore de le voir, de ce sublime étage,
Dans celui des hommes venir
Prendre tous les transports que leur cœur peut fournir,
Et se faire à leur badinage,
Si, dans les changements où son humeur l’engage,