Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/508

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tu t’en avises,
Traître, de t’approcher de nous !

Sosie
Mon Dieu ! qu’as-tu ? toujours on te voit en courroux,
Et sur rien tu te formalises.

Cléanthis
Qu’appelles-tu sur rien, dis ?

Sosie
Qu’appelles-tu sur rien, dis ? J’appelle sur rien
Ce qui sur rien s’appelle en vers ainsi qu’en prose ;
Et rien, comme tu le sais bien,
Veut dire rien, ou peu de chose.

Cléanthis
Je ne sais qui me tient, infâme,
Que je ne t’arrache les yeux,
Et ne t’apprenne où va le courroux d’une femme.

Sosie
Holà ! d’où te vient donc ce transport furieux ?

Cléanthis
Tu n’appelles donc rien le procédé, peut-être,
Qu’avec moi ton cœur a tenu ?

Sosie
Et quel ?

Cléanthis
Et quel ? Quoi ? tu fais l’ingénu ?
Est-ce qu’à l’exemple du maître
Tu veux dire qu’ici tu n’es pas revenu ?

Sosie
Non : je sais fort bien le contraire ;
Mais je ne t’en fais pas le fin :
Nous avions bu de je ne sais quel vin,
Qui m’a fait oublier tout ce que j’ai pu faire.

Cléanthis
Tu crois peut-être excuser par ce trait…

Sosie
Non, tout de bon, tu m’en peux croire.
J’étais dans un état où je puis avoir fait
Des choses dont j’aurais regret,
Et dont je n’ai nulle mémoire.