Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/534

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Sosie
Ô cœur barbare et tyrannique !
Souffre qu’au moins je sois ton ombre.

Mercure
Souffre qu’au moins je sois ton ombre.. Point du tout.

Sosie
Que d’un peu de pitié ton âme s’humanise ;
En cette qualité souffre-moi près de toi :
Je te serai partout une ombre si soumise,
Que tu seras content de moi.

Mercure
Point de quartier : immuable est la loi.
Si d’entrer là-dedans tu prends encor l’audace,
Mille coups en seront le fruit.

Sosie
Las ! à quelle étrange disgrâce,
Pauvre Sosie, es-tu réduit !

Mercure
Quoi ? ta bouche se licencie
À te donner encore un nom que je défends ?

Sosie
Non, ce n’est pas moi que j’entends,
Et je parle d’un vieux Sosie
Qui fut jadis de mes parents,
Qu’avec très grande barbarie,
À l’heure du dîner, l’on chassa de céans.

Mercure
Prends garde de tomber dans cette frénésie,
Si tu veux demeurer au nombre des vivants.

Sosie
Que je te rosserais, si j’avais du courage,
Double fils de putain, de trop d’orgueil enflé !

Mercure
Que dis-tu ?

Sosie
Que dis-tu ? Rien.

Mercure
Que dis-tu ? Rien. Tu tiens, je crois, quelque langage.

Sosie
Demandez : je n’ai pas soufflé.

Mercure
Cert