Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/76

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souhaits. Il n’est rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs : je me sens un cœur à aimer toute la terre ; et, comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

Sganarelle

Vertu de ma vie, comme vous débitez ! Il semble que vous ayez appris cela par cœur, et vous parlez tout comme un livre.

Don Juan

Qu’as-tu à dire là-dessus ?

Sganarelle

Ma foi ! j’ai à dire, et je ne sais que dire ; car vous tournez les choses d’une manière, qu’il semble que vous avez raison ; et cependant il est vrai que vous ne l’avez pas. J’avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m’ont brouillé tout cela. Laissez faire ; une autre fois je mettrai mes raisonnements par écrit, pour disputer avec vous.

Don Juan

Tu feras bien.

Sganarelle

Mais, monsieur, cela serait-il de la permission que vous m’avez donnée, si je vous disais que je suis tant soit peu scandalisé de la vie que vous menez ?

Don Juan

Comment ! quelle vie est-ce que je mène ?

Sganarelle

Fort bonne. Mais, par exemple, de vous voir tous les mois vous marier comme vous faites…

Don Juan

Y a-t-il rien de plus agréable ?

Sganarelle

Il est vrai. Je conçois que cela est fort agréable et fort divertissant, et je m’en accommoderais assez, moi, s’il n’y avait point de mal ; mais, monsieur, se jouer ainsi d’un mystère sacré, et…

Don Juan

Va, va, c’est une affaire entre le ciel et moi, et nous la démêlerons bien ensemble sans que tu t’en mettes en peine.

Sganarelle

Ma foi, monsieur, j’ai toujours ouï dire que c’est une mé-