Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/88

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Pierrot

Touche donc là, Charlotte.

Charlotte, donnant sa main.

Hé bien ! quien.

Pierrot

Promets-moi donc que tu tâcheras de m’aimer davantage.

Charlotte

J’y ferai tout ce que je pourrai ; mais il faut que ça vienne de lui-même. Piarrot, est-ce là ce monsieu ?

Pierrot

Oui, le vlà.

Charlotte

Ah ! mon Guieu, qu’il est genti, et que ç’aurait été dommage qu’il eût été nayé !

Pierrot

Je revians tout à l’heure ; je m’en vas boire chopaine, pour me rebouter tant soit peu de la fatigue que j’ais eue[1].



Scène II

DON JUAN, SGANARELLE, CHARLOTTE,
dans le fond du théâtre.
Don Juan

Nous avons manqué notre coup, Sganarelle, et cette bourrasque imprévue a renversé avec notre barque le projet que nous avions fait ; mais, à te dire vrai, la paysanne que je viens de quitter répare ce malheur, et je lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon esprit tout le chagrin que me donnait le mauvais succès de notre entreprise. Il ne faut pas que ce cœur m’échappe, et j’y ai déjà jeté des dispositions à ne pas me souffrir longtemps de pousser des soupirs.

Sganarelle

Monsieur, j’avoue que vous m’étonnez. À peine sommes-nous échappés d’un péril de mort, qu’au lieu de rendre grâce au ciel de la pitié qu’il a daigné prendre de nous, vous travaillez tout de nouveau à attirer sa colère par vos fantaisies accoutumées et vos amours cr…

(Don Juan prend un air menaçant.)


Paix ! coquin que vous êtes ; vous ne savez ce que vous dites, et monsieur sait ce qu’il fait. Allons.

  1. C’est dans le Pédant joué de Cyrano de Bergerac, que se trouve, sur notre théâtre, le premier emploi du langage des paysans. Cette scène en offre le second exemple.