Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/341

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goût, qui avait du génie pour les machines, avaient obtenu en 1669 le privilège de l’Opéra ; mais ils ne donnèrent rien au public qu’en 1671. On ne croyait pas alors que les Français pussent jamais soutenir trois heures de musique, et qu’une tragédie toute chantée pût réussir. On pensait que le comble de la perfection est une tragédie déclamée, avec des chants et des danses dans les intermèdes. On ne songeait pas que si une tragédie est belle et intéressante, les entr’actes de musique doivent en devenir froids ; et que si les intermèdes sont brillants, l’oreille a peine à revenir tout d’un coup du charme de la musique à la simple déclamation. Un ballet peut délasser dans les entr’actes d’une pièce ennuyeuse ; mais une bonne pièce n’en a pas besoin, et l’on joue Athalie sans les chœurs et sans la musique. Ce ne fut que quelques années après que Lulli et Quinault nous apprirent qu’on pouvait chanter une tragédie, comme on faisait en Italie, et qu’on la pouvait même rendre intéressante : perfection que l’Italie ne connaissait pas. Depuis la mort du cardinal Mazarin on n’avait donc donné que des pièces à machines avec des divertissements en musique, tels qu’Andromède et la Toison d’or. On voulut donner au roi et à la cour, pour l’hiver de 1670, un divertissement dans ce goût, et y ajouter des danses. Molière fut chargé du sujet de la Fable le plus ingénieux et le plus galant, et qui était alors en vogue par le roman trop allongé que La Fontaine venait de donner en 1669. Il ne put faire que le premier acte, la première scène du second, et la première du troisième ; le temps pressait : Pierre Corneille se chargea du reste de la pièce ; il voulut bien s’assujettir au plan d’un autre ; et ce génie mâle, que l’âge rendait sec et sévère, s’amollit pour plaire à Louis XIV. L’auteur de Cinna, fit, à l’âge de soixante-cinq ans, cette déclaration de Psyché à l’Amour, qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre. Toutes les paroles qui se chantent sont de Quinault ; Lulli composa les airs. Il ne manquait à cette société de grands hommes que le seul Racine, afin que tout ce qu’il y eut jamais de plus excellent au théâtre se fût réuni pour servir un roi qui méritait d’être servi par de tels hommes. Psyché n’est pas une excellente pièce, et les derniers actes en sont très languissants ; mais la beauté du sujet, les ornements dont elle fut embellie, et la dépense royale qu’on fit pour ce spectacle, firent pardonner ses défauts. »

Comme la plupart des pièces que Molière composa pour Louis XIV, Psyché, après avoir diverti la cour, fut jouée devant le public de la capitale. Le registre manuscrit de Lagrange, qui fut, comme on le sait, l’éditeur de Molière, après avoir été son camarade de théâtre, nous donne sur la mise en scène de cette pièce des détails qui se placent naturellement ici :