Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/349

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Va jusqu’à m’opposer une petite fille !
Sur ses traits et les miens j’essuierai constamment
Un téméraire jugement,
Et du haut des cieux, où je brille,
J’entendrai prononcer aux mortels prévenus :
Elle est plus belle que Vénus !

ÆGLIALE.
Voilà comme l’on fait ; c’est le style des hommes ;
Ils sont impertinents dans leurs comparaisons.

PHAÈNE.
Ils ne sauroient louer, dans le siècle où nous sommes,
Qu’ils n’outragent les plus grands noms.

VÉNUS.
Ah ! que de ces trois mots la rigueur insolente
Venge bien Junon et Pallas,
Et console leurs cœurs de la gloire éclatants
Que la fameuse pomme acquit à mes appas !
Je les vois s’applaudir de mon inquiétude,
Affecter à toute heure un ris malicieux,
Et, d’un fixe regard, chercher avec étude
Ma confusion dans mes yeux.
Leur triomphante joie, au fort d’un tel outrage,
Semble me venir dire, insultant mon courroux :
Vante, vante, Vénus, les traits de ton visage !
Au jugement d’un seul tu l’emportas sur vous
Mais, par le jugement de tous,
Une simple mortelle a sur toi l’avantage.
Ah ! ce coup-là m’achève, il me perce le cœur ;
Je n’en puis plus souffrir les rigueurs sans égales ;
Et c’est trop de surcroît à ma vive douleur,
Que le plaisir de mes rivales.
Mon fils, si j’eus jamais sur toi quelque crédit,
Et si jamais je te fus chère,
Si tu portes un cœur à sentir le dépit
Qui trouble le cœur d’une mère
Qui si tendrement te chérit,
Emploie, emploie ici l’effort de ta puissance
À soutenir mes intérêts :
Et fais à Psyché, par tes traits,
Sentir les traits de ma vengeance.
Pour rendre son cœur malheureux,