Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/354

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Que vous le prenez mieux que moi.
C’est pour nous attacher à trop de bienséance,
Qu’aucun amant, ma sœur, à nous ne veut venir ;
Et nous voulons trop soutenir
L’honneur de notre sexe et de notre naissance.
Les hommes maintenant aiment ce qui leur rit ;
L’espoir, plus que l’amour, est ce qui les attire ;
Et c’est par là que Psyché nous ravit
Tous les amants qu’on voit sous son empire.
Suivons, suivons l’exemple, ajustons-nous au temps ;
Abaissons-nous, ma sœur, à faire des avances,
Et ne ménageons plus de tristes bienséances,
Qui nous ôtent les fruits du plus beau de nos ans.

Aglaure.
J’approuve la pensée, et nous avons matière
D’en faire l’épreuve première
Aux deux princes qui sont les derniers arrivés.
Ils sont charmants, ma sœur ; et leur personne entière
Me… Les avez-vous observés ?

Cidippe.
Ah ! ma sœur, ils sont faits tous deux d’une manière ;
Que mon âme… Ce sont deux princes achevés.

Aglaure.
Je trouve qu’on pourroit rechercher leur tendresse
Sans se faire déshonneur.

Cidippe.
Je trouve que, sans honte, une belle princesse
Leur pourroit donner son cœur.

Aglaure.
Les voici tous deux, et j’admire
Leur air et leur ajustement.

Cidippe.
Ils ne démentent nullement
Tout ce que nous venons de dire.


Scène II

Cléomène, Agénor, Aglaure, Cidippe.


Aglaure.
D’où vient, princes, d’où vient que vous fuyez ainsi ?
Prenez-vous l’épouvante en nous voyant paraître ?