Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/358

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
PSYCHÉ.

Ont de notre amitié signalé les beaux nœuds ;
Mais, à quelques essais qu’elle se soit trouvée,
Son grand triomphe est en ce jour,
Et rien ne fait tant voir sa constance éprouvée,
Que de se conserver au milieu de l’amour.
Oui, malgré tant d’appas, son illustre constance
Aux lois qu’elle nous fait a soumis tous nos vœux ;
Elle vient, d’une douce et pleine déférence,
Remettre à votre choix le succès de nos feux ;
Et, pour donner un poids à notre concurrence,
Qui des raisons d’État entraîne la balance
Sur le choix de l’un de nous deux,
Cette même amitié s’offre, sans répugnance,
D’unir nos deux États au sort du plus heureux.

AGÉNOR.
Oui, de ces deux États, madame,
Que sous votre heureux choix nous nous offrons d’unir,
Nous voulons faire à notre flamme
Un secours pour vous obtenir.
Ce que, pour ce bonheur, près du roi votre père,
Nous nous sacrifions tous deux,
N’a rien de difficile à nos cœurs amoureux ;
Et c’est au plus heureux faire un don nécessaire
D’un pouvoir dont le malheureux,
Madame, n’aura plus affaire.

PSYCHÉ.
Le choix que vous m’offrez, princes, montre à mes yeux
De quoi remplir les vœux de l’ame la plus fière ;
Et vous me le parez tous deux d’une manière
Qu’on ne peut rien offrir qui soit plus précieux.
Vos feux, votre amitié, votre vertu suprême,
Tout me relève en vous l’offre de votre foi,
Et j’y vois un mérite à s’opposer lui-même
À ce que vous voulez de moi.
Ce n’est pas à mon cœur qu’il faut que je défère,
Pour entrer sous de tels liens ;
Ma main, pour se donner, attend l’ordre d’un père,
Et mes sœurs ont des droits qui vont devant les miens.
Mais, si l’on me rendoit sur mes vœux absolue,
Vous y pourriez avoir trop de part à la fois ;
Et toute mon estime, entre vous suspendue,