Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/361

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PSYCHÉ
C’est pour louer le Ciel, et me voir hors d’effroi,
De savoir que je n’aie à craindre que pour moi.
Mais apprends-moi, Lycas, le sujet qui te touche.

LYCAS
Souffrez que j’obéisse à qui m’envoie ici,
Madame, et qu’on vous laisse apprendre de sa bouche
Ce qui peut m’affliger ainsi.

PSYCHÉ
Allons savoir sur quoi l’on craint tant ma foiblesse.


Scène V.

AGLAURE, CIDIPPE, LYCAS.


AGLAURE
Si ton ordre n’est pas jusqu’à nous étendu,
Dis-nous quel grand malheur nous couvre ta tristesse.

LYCAS
Hélas ! ce grand malheur, dans la cour répandu,
Voyez-le vous-même, princesse,
Dans l’oracle qu’au roi les destins ont rendu.
Voici ses propres mots, que la douleur, madame,
A gravés au fond de mon ame :
« Que l’on ne pense nullement
» À vouloir de Psyché conclure l’hyménée ;
» Mais qu’au sommet d’un mont elle soit promptement
» En pompe funèbre menée,
» Et que, de tous abandonnée,
» Pour époux elle attende en ces lieux constamment
» Un monstre dont on a la vue empoisonnée,
» Un serpent qui répand son venin en tous lieux,
» Et trouble dans sa rage et la terre et les cieux. »
Après un arrêt si sévère,
Je vous quitte, et vous laisse à juger entre vous
Si, par de plus cruels et plus sensibles coups,
Tous les Dieux nous pouvoient expliquer leur colère.


Scène VI.

AGLAURE, CIDIPPE.


CIDIPPE
Ma sœur, que sentez-vous à ce soudain malheur
Où nous voyons Psyché par les destins plongée ?