Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/365

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Que de laisser régner les tendresses de père
Jusque dans les yeux d'un grand Roi.
575 Ce qu'on vous voit ici donner à la nature
Au rang que vous tenez, Seigneur, fait trop d'injure,
Et j'en dois refuser les touchantes faveurs:
Laissez moins sur votre sagesse
Prendre d'empire à vos douleurs,
580 Et cessez d'honorer mon destin par des pleurs,
Qui dans le cœur d'un Roi montrent de la faiblesse.

LE ROI
Ah, ma fille, à ces pleurs laisse mes yeux ouverts,
Mon deuil est raisonnable, encor qu'il soit extrême,
Et lorsque pour toujours on perd ce que je perds,
585 La sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-même.
En vain l'orgueil du diadème
Veut qu'on soit insensible à ces cruels revers,
En vain de la raison les secours sont offerts,
Pour vouloir d'un œil sec voir mourir ce qu'on aime:
590 L'effort en est barbare aux yeux de l'univers,
Et c'est brutalité plus que vertu suprême.