Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/366

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Je ne veux point dans cette adversité
Parer mon cœur d'insensibilité,
Et cacher l'ennui qui me touche;
595 Je renonce à la vanité
De cette dureté farouche,
Que l'on appelle fermeté;
Et de quelque façon qu'on nomme
Cette vive douleur dont je ressens les coups,
600 Je veux bien l'étaler, ma fille, aux yeux de tous,
Et dans le cœur d'un Roi montrer le cœur d'un homme.

PSYCHÉ
Je ne mérite pas cette grande douleur:
Opposez, opposez un peu de résistance
Aux droits qu'elle prend sur un cœur
605 Dont mille événements ont marqué la puissance.
Quoi? faut-il que pour moi vous renonciez, Seigneur,
À cette royale constance,
Dont vous avez fait voir dans les coups du malheur
Une fameuse expérience?

LE ROI
610 La constance est facile en mille occasions.
Toutes les révolutions
Où nous peut exposer la fortune inhumaine,
La perte des grandeurs, les persécutions,
Le poison de l'envie, et les traits de la haine,
615 N'ont rien que ne puissent sans peine
Braver les résolutions
D'une âme où la raison est un peu souveraine:
Mais ce qui porte des rigueurs
À faire succomber les cœurs
620 Sous le poids des douleurs amères,
Ce sont, ce sont les rudes traits
De ces fatalités sévères,
Qui nous enlèvent pour jamais
Les personnes qui nous sont chères.
625 La raison contre de tels coups
N'offre point d'armes secourables,
Et voilà des Dieux en courroux
Les foudres les plus redoutables
Qui se puissent lancer sur nous.

PSYCHÉ