Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/372

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Commençaient à m'accoutumer
Aux encens qu'ils m'offraient sans cesse;
795 Leurs soupirs me suivaient sans qu'il m'en coutât rien,
Mon âme restait libre en captivant tant d'âmes,
Et j'étais parmi tant de flammes
Reine de tous les cœurs, et maîtresse du mien.
Ô Ciel! m'auriez-vous fait un crime
800 De cette insensibilité?
Déployez-vous sur moi tant de sévérité,
Pour n'avoir à leurs vœux rendu que de l'estime?
Si vous m'imposiez cette loi,
Qu'il fallût faire un choix pour ne pas vous déplaire,
805 Puisque je ne pouvais le faire,
Que ne le faisiez-vous pour moi?
Que ne m'inspiriez-vous ce qu'inspire à tant d'autres
Le mérite, l'amour, et... Mais que vois-je ici?

SCÈNE IV

CLÉOMÈNE, AGÉNOR, PSYCHÉ.

CLÉOMÈNE
Deux amis, deux rivaux, dont l'unique souci
810 Est d'exposer leurs jours pour conserver les vôtres.

PSYCHÉ
Puis-je vous écouter quand j'ai chassé deux sœurs?
Princes, contre le Ciel pensez-vous me défendre?
Vous livrer au serpent qu'ici je dois attendre,
Ce n'est qu'un désespoir qui sied mal aux grands cœurs,
815 Et mourir alors que je meurs,
C'est accabler une âme tendre
Qui n'a que trop de ses douleurs.

AGÉNOR
Un serpent n'est pas invincible;
Cadmus qui n'aimait rien défit celui de Mars,
820 Nous aimons, et l'amour sait rendre tout possible
Au cœur qui suit ses étendards,
À la main dont lui-même il conduit tous les dards.

PSYCHÉ
Voulez-vous qu'il vous serve en faveur d'une ingrate