Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/373

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Que tous ses traits n'ont pu toucher?
825 Qu'il dompte sa vengeance au moment qu'elle éclate,
Et vous aide à m'en arracher?
Quand même vous m'auriez servie,
Quand vous m'auriez rendu la vie,
Quel fruit espérez-vous de qui ne peut aimer?

CLÉOMÈNE
830 Ce n'est point par l'espoir d'un si charmant salaire
Que nous nous sentons animer,
Nous ne cherchons qu'à satisfaire
Aux devoirs d'un amour qui n'ose présumer
Que jamais, quoi qu'il puisse faire,
835 Il soit capable de vous plaire,
Et digne de vous enflammer.
Vivez, belle Princesse, et vivez pour un autre:
Nous le verrons d'un œil jaloux,
Nous en mourrons, mais d'un trépas plus doux
840 Que s'il nous fallait voir le vôtre.
Et si nous ne mourons en vous sauvant le jour,
Quelque amour qu'à nos yeux vous préfériez au nôtre,
Nous voulons bien mourir de douleur et d'amour.

PSYCHÉ
Vivez, Princes, vivez, et de ma destinée
845 Ne songez plus à rompre, ou partager la loi:
Je crois vous l'avoir dit, le Ciel ne veut que moi,
Le Ciel m'a seule condamnée.
Je pense ouïr déjà les mortels sifflements
De son ministre qui s'approche,
850 Ma frayeur me le peint, me l'offre à tous moments,
Et maîtresse qu'elle est de tous mes sentiments,
Elle me le figure au haut de cette roche,
J'en tombe de faiblesse, et mon cœur abattu
Ne soutient plus qu'à peine un reste de vertu.
855 Adieu, Princes, fuyez, qu'il ne vous empoisonne.

AGÉNOR
Rien ne s'offre à nos yeux encor qui les étonne,
Et quand vous vous peignez un si proche trépas,
Si la force vous abandonne,
Nous avons des cœurs et des bras
860 Que l'espoir n'abandonne pas.
Peut-être qu'un rival a dicté cet oracle,