Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/374

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Que l'or a fait parler celui qui l'a rendu:
Ce ne serait pas un miracle,
Que pour un dieu muet un homme eût répondu,
865 Et dans tous les climats on n'a que trop d'exemples
Qu'il est ainsi qu'ailleurs des méchants dans les temples.

CLÉOMÈNE
Laissez-nous opposer au lâche ravisseur,
À qui le sacrilège indignement vous livre,
Un amour qu'a le Ciel choisi pour défenseur
870 De la seule beauté pour qui nous voulons vivre.
Si nous n'osons prétendre à sa possession,
Du moins en son péril permettez-nous de suivre
L'ardeur et les devoirs de notre passion.

PSYCHÉ
Portez-les à d'autres moi-mêmes,
875 Princes, portez-les à mes sœurs
Ces devoirs, ces ardeurs extrêmes
Dont pour moi sont remplis vos cœurs.
Vivez pour elles quand je meurs,
Plaignez de mon destin les funestes rigueurs,
880 Sans leur donner en vous de nouvelles matières:
Ce sont mes volontés dernières,
Et l'on a reçu de tout temps
Pour souveraines lois les ordres des mourants.

CLÉOMÈNE
Princesse...

PSYCHÉ
Encore un coup, Princes, vivez pour elles,
885 Tant que vous m'aimerez vous devez m'obéir;
Ne me réduisez pas à vouloir vous haïr,
Et vous regarder en rebelles,
À force de m'être fidèles.
Allez, laissez-moi seule expirer en ce lieu,
890 Où je n'ai plus de voix que pour vous dire adieu.
Mais je sens qu'on m'enlève, et l'air m'ouvre une route
D'où vous n'entendrez plus cette mourante voix.
Adieu, Princes, adieu pour la dernière fois,
Voyez si de mon sort vous pouvez être en doute.

Elle est enlevée en l'air par deux Zéphires.

AGÉNOR
895 Nous la perdons de vue. Allons tous