Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/380

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Dont tout le cœur craindrait la guérison!
1050 À peine je vous vois, que mes frayeurs cessées
Laissent évanouir l'image du trépas,
Et que je sens couler dans mes veines glacées
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas.
J'ai senti de l'estime et de la complaisance,
1055 De l'amitié, de la reconnaissance,
De la compassion les chagrins innocents
M'en ont fait sentir la puissance,
Mais je n'ai point encor senti ce que je sens.
Je ne sais ce que c'est, mais je sais qu'il me charme,
1060 Que je n'en conçois point d'alarme;
Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer:
Tout ce que j'ai senti n'agissait point de même,
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c'est que d'aimer.
1065 Ne les détournez point, ces yeux qui m'empoisonnent,
Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux;
Qui semblent partager le trouble qu'ils me donnent.
Hélas! plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m'attacher sur eux.
1070 Par quel ordre du Ciel que je ne puis comprendre
Vous dis-je plus que je ne doi,
Moi de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que vous m'expliquassiez le trouble où je vous voi?
Vous soupirez, Seigneur, ainsi que je soupire,
1075 Vos sens comme les miens paraissent interdits,
C'est à moi de m'en taire, à vous de me le dire,
Et cependant c'est moi qui vous le dis.

L'AMOUR
Vous avez eu, Psyché, l'âme toujours si dure,
Qu'il ne faut pas vous étonner,
1080 Si pour en réparer l'injure
L'amour en ce moment se paye avec usure
De ceux qu'elle a dû lui donner.
Ce moment est venu qu'il faut que votre bouche