Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/388

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Et semblent dire à nos regards jaloux,
1305 "Quels que soient nos attraits, elle est encore plus belle,
Et nous qui la servons, le sommes plus que vous."
Elle prononce, on exécute,
Aucun ne s'en défend, aucun ne s'en rebute:
Flore qui s'attache à ses pas
1310 Répand à pleines mains autour de sa personne
Ce qu'elle a de plus doux appas,
Zéphire vole aux ordres qu'elle donne,
Et son amante et lui s'en laissant trop charmer,
Quittent pour la servir les soins de s'entr'aimer.

CIDIPPE
1315 Elle a des dieux à son service,
Elle aura bientôt des autels;
Et nous ne commandons qu'à de chétifs mortels,
De qui l'audace et le caprice
Contre nous à toute heure en secret révoltés,
1320 Opposent à nos volontés
Ou le murmure, ou l'artifice.

AGLAURE
C'était peu que dans notre cour
Tant de cœurs à l'envi nous l'eussent préférée,
Ce n'était pas assez que de nuit et de jour
1325 D'une foule d'amants elle y fût adorée:
Quand nous nous consolions de la voir au tombeau
Par l'ordre imprévu d'un oracle,
Elle a voulu de son destin nouveau
Faire en notre présence éclater le miracle,
1330 Et choisi nos yeux pour témoins
De ce qu'au fond du cœur nous souhaitions le moins.

CIDIPPE
Ce qui le plus me désespère,
C'est cet amant parfait et si digne de plaire,
Qui se captive sous ses lois.
1335 Quand nous pourrions choisir entre tous les monarques,
En est-il un de tant de rois
Qui porte de si nobles marques?
Se voir du bien par delà ses souhaits,
N'est souvent qu'un bonheur qui fait des misérables:
1340 Il n'est ni train pompeux, ni superbes palais,
Qui n'ouvrent quelque porte à des maux incurables;