Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/392

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Que de voir cette ardeur de même ardeur suivie
Ne concevoir plus d'autre envie
Que de régler mes vœux sur vos désirs,
Et de ce qui vous plaît faire tous mes plaisirs.
1445 Mais d'où vient qu'un triste nuage
Semble offusquer l'éclat de ces beaux yeux?
Vous manque-t-il quelque chose en ces lieux?
Des vœux qu'on vous y rend dédaignez-vous l'hommage?

PSYCHÉ
Non, Seigneur.

L'AMOUR
Qu'est-ce donc, et d'où vient mon malheur?
1450 J'entends moins de soupirs d'amour que de douleur,
Je vois de votre teint les roses amorties
Marquer un déplaisir secret,
Vos sœurs à peine sont parties
Que vous soupirez de regret!
1455 Ah, Psyché, de deux cœurs quand l'ardeur est la même,
Ont-ils des soupirs différents?
Et quand on aime bien, et qu'on voit ce qu'on aime,
Peut-on songer à des parents?

PSYCHÉ
Ce n'est point là ce qui m'afflige.

L'AMOUR
1460 Est-ce l'absence d'un rival,
Et d'un rival aimé qui fait qu'on me néglige?

PSYCHÉ
Dans un cœur tout à vous que vous pénétrez mal!
Je vous aime, Seigneur, et mon amour s'irrite
De l'indigne soupçon que vous avez formé:
1465 Vous ne connaissez pas quel est votre mérite,
Si vous craignez de n'être pas aimé.
Je vous aime, et depuis que j'ai vu la lumière,
Je me suis montrée assez fière,
Pour dédaigner les vœux de plus d'un Roi:
1470 Et s'il vous faut ouvrir mon âme toute entière,
Je n'ai trouvé que vous qui fût digne de moi.
Cependant j'ai quelque tristesse
Qu'en vain je voudrais vous cacher,
Un noir chagrin se mêle à toute ma tendresse
1475 Dont je ne la puis détacher.