Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/395

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Vos volontés sont satisfaites,
Vous avez su qui vous aimiez,
Vous connaissez l'amant que vous charmiez,
Psyché, voyez où vous en êtes.
1540 Vous me forcez vous-même à vous quitter,
Vous me forcez vous-même à vous ôter
Tout l'effet de votre victoire:
Peut-être vos beaux yeux ne me reverront plus,
Ce palais, ces jardins, avec moi disparus
1545 Vont faire évanouir votre naissante gloire;
Vous n'avez pas voulu m'en croire,
Et pour tout fruit de ce doute éclairci,
Le Destin sous qui le Ciel tremble,
Plus fort que mon amour, que tous les Dieux ensemble,
1550 Vous va montrer sa haine, et me chasse d'ici.

L'Amour disparaît, et dans l'instant qu'il s'envole, le superbe jardin s'évanouit. Psyché demeure seule au milieu d'une vaste campagne, et sur le bord sauvage d'un grand fleuve où elle se veut précipiter. Le Dieu du fleuve paraît assis sur un amas de joncs et de roseaux, et appuyé sur une grande urne, d'où sort une grosse source d'eau.

SCÈNE IV

PSYCHÉ
Cruel destin! funeste inquiétude!
Fatale curiosité!
Qu'avez-vous fait, affreuse solitude,
De toute ma félicité?
1555 J'aimais un Dieu, j'en étais adorée,
Mon bonheur redoublait de moment en moment,
Et je me vois seule, éplorée,
Au milieu d'un désert, où pour accablement,
Et confuse, et désespérée,
1560 Je sens croître l'amour, quand j'ai perdu l'amant.
Le souvenir m'en charme et m'empoisonne,
Sa douceur tyrannise un cœur infortuné
Qu'aux plus cuisants chagrins ma flamme a condamné.
Ô Ciel! quand l'Amour m'abandonne,
1565 Pourquoi me laisse-t-il l'amour qu'il m'a donné?
Source de tous les biens inépuisable et pure,