Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/398

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PSYCHÉ
Si l'Amour pour eux tous m'avait endurci l'âme,
Et me réservait toute à lui,
En puis-je être coupable, et faut-il qu'aujourd'hui
Pour prix d'une si belle flamme,
1640 Vous vouliez m'accabler d'un éternel ennui?

VÉNUS
Psyché, vous deviez mieux connaître
Qui vous étiez, et quel était ce dieu.

PSYCHÉ
Et m'en a-t-il donné ni le temps, ni le lieu,
Lui qui de tout mon cœur d'abord s'est rendu maître?

VÉNUS
1645 Tout votre cœur s'en est laissé charmer,
Et vous l'avez aimé dès qu'il vous a dit: "J'aime".

PSYCHÉ
Pouvais-je n'aimer pas le Dieu qui fait aimer,
Et qui me parlait pour lui-même?
C'est votre fils, vous savez son pouvoir,
1650 Vous en connaissez le mérite.

VÉNUS
Oui, c'est mon fils, mais un fils qui m'irrite,
Un fils qui me rend mal ce qu'il sait me devoir,
Un fils qui fait qu'on m'abandonne,
Et qui pour mieux flatter ses indignes amours,
1655 Depuis que vous l'aimez, ne blesse plus personne
Qui vienne à mes autels implorer mon secours.
Vous m'en avez fait un rebelle,
On m'en verra vengée, et hautement, sur vous,
Et je vous apprendrai s'il faut qu'une mortelle
1660 Souffre qu'un Dieu soupire à ses genoux.
Suivez-moi, vous verrez par votre expérience
À quelle folle confiance
Vous portait cette ambition;
Venez, et préparez autant de patience,
1655 Qu'on vous voit de présomption.