Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
La Flèche.

« Le prêteur, pour ne charger sa conscience d’aucun scrupule, prétend ne donner son argent qu’au denier dix-huit[1].  »

Cléante

Au denier dix-huit ? Parbleu ! voilà qui est honnête. Il n’y a pas lieu de se plaindre.

La Flèche

Cela est vrai.

« Mais, comme ledit prêteur n’a pas chez lui la somme dont il est question, et que, pour faire plaisir à l’emprunteur, il est contraint lui-même de l’emprunter d’un autre sur le pied du denier cinq[2], il conviendra que ledit premier emprunteur paye cet intérêt, sans préjudice du reste, attendu que ce n’est que pour l’obliger que ledit prêteur s’engage à cet emprunt. »

Cléante

Comment diable ! Quel Juif, quel Arabe est-ce là ? C’est plus qu’au denier quatre[3].

La Flèche

Il est vrai ; c’est ce que j’ai dit. Vous avez à voir là-dessus.

Cléante

Que veux-tu que je voie ? J’ai besoin d’argent, et il faut bien que je consente à tout.

La Flèche

C’est la réponse que j’ai faite.

Cléante

Il y a encore quelque chose ?

La Flèche

Ce n’est plus qu’un petit article.

« Des quinze mille francs qu’on demande, le prêteur ne pourra compter en argent que douze mille livres ; et, pour les mille écus restants, il faudra que l’emprunteur prenne les hardes, nippes, bijoux, dont s’ensuit le mémoire, et que ledit prêteur a mis, de bonne foi, au plus modique prix qu’il lui a été possible. »

  1. C’est-à-dire un denier d’intérêt pour dix-huit prêtés ; ce qui équivaut à un peu plus de cinq et demie pour cent.
  2. À vingt pour cent.
  3. À vingt-cinq pour cent.