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LES FEMMES SAVANTES.

Henriette.
Oui, ma sœur.

Armande.
Oui, ma sœur. Ah ! ce oui se peut-il supporter ?
Et sans un mal de cœur sauroit-on l’écouter ?

Henriette.
Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige,
Ma sœur… ?

Aramande.
Ma sœur… ? Ah ! mon Dieu ! fi !

Henriette.
Ma sœur… ? Ah ! mon Dieu ! fi ! Comment ?

Armande.
Ma sœur… ? Ah mon Dieu ! fi ! Comment ? Ah ! fi ! vous dis-je.
Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend,
Un tel mot à l’esprit offre de dégoûtant,
De quelle étrange image on est par lui blessée,
Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?
N’en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, ma sœur,
Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?

Henriette.
Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfants, un ménage ;
Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,
Qui blesse la pensée, et fasse frissonner.

Armande.
De tels attachements, ô ciel ! sont pour vous plaire ?

Henriette.
Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire
Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,
Un homme qui vous aime et soit aimé de vous ;
Et, de cette union de tendresse suivie,
Se faire les douceurs d’une innocente vie ?
Ce nœud bien assorti n’a-t-il pas des appas ?

Armande.
Mon Dieu, que votre esprit est d’un étage bas !
Que vous jouez au monde un petit personnage,
De vous claquemurer aux choses du ménage,
Et de n’entrevoir point de plaisirs plus touchants
Qu’une idole d’époux et des marmots d’enfants !
Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,