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ACTE III, SCÈNE VI.

Je me trouve fort bien, ma mère, d’être bête ;
Et j’aime mieux n’avoir que de communs propos,
Que de me tourmenter pour dire de beaux mots.

Philaminte.
Oui ; mais j’y suis blessée, et ce n’est pas mon compte
De souffrir dans mon sang une pareille honte.
La beauté du visage est un frêle ornement,
Une fleur passagère, un éclat d’un moment,
Et qui n’est attaché qu’à la simple épiderme ;
Mais celle de l’esprit est inhérente et ferme.
J’ai donc cherché longtemps un biais de vous donner
La beauté que les ans ne peuvent moissonner,
De faire entrer chez vous le desir des sciences,
De vous insinuer les belles connoissances ;
Et la pensée enfin où mes vœux ont souscrit,
C’est d’attacher à vous un homme plein d’esprit.
(Montrant Trissotin.)
Et cet homme est monsieur, que je vous détermine[1]
À voir comme l’époux que mon choix vous destine.

Henriette.
Moi ! ma mère ?

Philaminte.
Moi ! ma mère ? Oui, vous. Faites la sotte un peu.

Bélise, à Trissotin.
Je vous entends ; vos yeux demandent mon aveu
Pour engager ailleurs un cœur que je possède.
Allez ; je le veux bien. À ce nœud je vous cède ;
C’est un hymen qui fait votre établissement.

Trissotin, à Henriette.
Je ne sais que vous dire, en mon ravissement,
Madame ; et cet hymen, dont je vois qu’on m’honore,
Me met…

Henriette.
Me met… Tout beau ! monsieur ; il n’est pas fait encore :
Ne vous pressez pas tant.

Philaminte.
Ne vous pressez pas tant. Comme vous répondez !
Savez-vous bien que si… ? Suffit. Vous m’entendez.
(À Trissotin.)
Elle se rendra sage. Allons, laissons-la faire.

  1. C'est-à-dire : que je vous ordonne de regarder comme, et