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LES FEMMES SAVANTES.

Philaminte.
Je lui montrerai bien aux lois de qui des deux
Les droits de la raison soumettent tous ses vœux
Et qui doit gouverner ou sa mère, ou son père,
Ou l’esprit ou le corps, la forme ou la matière.

Armande.
On vous en devoit bien, au moins, un compliment ;
Et ce petit Monsieur en use étrangement
De vouloir, malgré vous, devenir votre gendre.

Philaminte.
Il n’en est pas encore où son cœur peut prétendre.
Je le trouvois bien fait, et j’aimois vos amours ;
Mais, dans ses procédés, il m’a déplu toujours.
Il sait que, Dieu merci, je me mêle d’écrire ;
Et jamais il ne m’a prié de lui rien lire.


Scène II.

Clitandre, entrant doucement, et écoutant sans se montrer ; Armande, Philaminte.


Armande.
Je ne souffrirois point, si j’étois que de vous,
Que jamais d’Henriette il pût être l’époux.
On me feroit grand tort d’avoir quelque pensée,
Que là-dessus je parle en fille intéressée,
Et que le lâche tour que l’on voit qu’il me fait,
Jette au fond de mon cœur quelque dépit secret.
Contre de pareils coups, l’ame se fortifie
Du solide secours de la philosophie,
Et par elle on se peut mettre au-dessus de tout ;
Mais vous traiter ainsi, c’est vous pousser à bout.
Il est de votre honneur d’être à ses vœux contraire ;
Et c’est un homme enfin qui ne doit point vous plaire.
Jamais je n’ai connu, discourant entre nous,
Qu’il eût au fond du cœur de l’estime pour vous.

Philaminte.
Petit sot !

Armande.
Petit sot ! Quelque bruit que votre gloire fasse,
Toujours à vous louer il a paru de glace.

Philaminte.
Le brutal !